Hip Hop kamer : Le Rap va-t-il exploser le Hip Hop ?
Une meuf qui pose sa prose ou ses rimes sur un rythme saccadé rappe. C’est connu de tous. Dites : un mec qui aligne des graffiti……il fait quoi ? Vous utilisez quel verbe pour désigner son activité ? Il dessine ? Il salit les murs ? Il….. OK, je comprends. C’est un peu compliqué. Il vaut mieux éviter la honte et vous filer tout de suite le tuyau : ce mec-là «graffe».
Graffer. On entend très peu ce verbe. Il ne se trouve pas dans les meilleurs dictionnaires de langue française, me direz-vous. Et vous avez raison. Nous entendons et utilisons plus souvent des verbes comme «rapper, toaster, slammer, sampler» qui renvoient à des expressions hip hop de scène. Nous les entendons et utilisons parce que nous sommes familiers des spectacles de rap. Nous connaissons Jay N., MH, D.O.S Legar, Bashiru. Mais, pas Gab’1. Nos émissions radio-TV, nos chroniqueurs prétendent servir le hip hop. En vérité, ils nous gavent de rap jusqu’à l’overdose. Sur les sites de nos soirées rap, l’occupation de l’espace et le timing ne sont pas innocents : les projecteurs sont braqués uniquement sur….la scène et ne s’allument que «quand les vraies choses commencent». Les vraies choses ? Le rap, bien sur ! Les autres formes d’expression hip hop sont ghettoïsées dans des stands, en backstage, à l’écart et parfois à l’extérieur de la salle. Quand s’ouvre le spectacle, le public hystérique célèbre son rappeur-vedette et oublie bien de fois que le décor, les tenues de la star, les «beats» qui embrasent la scène sont une construction minutieuse des «génies de l’ombre». Au K-mer, il existe au moins deux Canal d’Or pour la culture urbaine. C’est un secret de Polichinelle : ils récompenseront difficilement un DJ ou un graffeur. A chaque fois, pour se consoler, on essaie de se convaincre que le Canal d’Or de Jay N. ou l’Africa Star désormais poussiéreux de Sydney magnifient «la grande famille du hip hop K-mer». Foutaises ! Sous le miel des discours, se trouve le fiel du «deux poids, deux mesures». Et si le hip hop kamer était Yaoundé, le rap habiterait Bastos et les graffiti (par exemple) seraient logés à Mokolo Elobi.
Qui est donc assez fou pour s’installer là-bas ? Qui parmi nous pourrait consacrer une soirée entière à une activité de Streetwear ou de Graffitis ? Quel présentateur télé est assez iconoclaste pour lancer un programme de VJying exclusivement ? Les voies toutes tracées et bitumées sont plus faciles à prendre et très peu parmi nous aiment le statut de pionnier, de précurseur, d’explorateur. Du coup, dans «la grande famille du hip hop K-mer», il y a le rap et il y a les autres. Cet écart existe dans d’autres pays mais, sous notre ciel, il parait trop grand, presqu’abyssal. Historiquement pourtant, le hip hop est fondé sur six disciplines essentielles et complémentaires : le Graffiti (c’est l’aînée de toutes), le DJying/VJying, le Rap, le B-boying, le Human beatbox et le StreetStyle (Streetlanguage, Streetwear et StreetDanse). Par un tour de passe-passe aussi rapide que douloureux, un fils de la famille a pris la grosse tête et, au summum de l’ingratitude, a laissé ses frères dans la gadoue. Désormais, il y a tout pour lui et très peu pour les autres.
Il arrive que ton «frère soit en haut» et que ta vie ne change pas. Donny Elwood a certainement oublié de nous le dire…..