hip hop kamer : Le rap kamer n’est pas assez entré dans l’histoire
Et si Sarkozy avait raison ? Lui qui en 2007 a l’université Cheik Anta Diop à Dakar avait eu le toupet de dire que « l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire » ! Cette phrase tant rejeté par nos intellectuels, semble recouvrir le voile de la véracité quand on s’y rapproche de plus près. Ce que nous observons c’est que, à presque tous les niveaux, dans notre cher et beau continent, nous semblons être à la traine de l’histoire. Surtout dans le domaine culturel, l’Afrique est intermittente voir absente au rendez vous du « donné et du recevoir ». Nous partons à chaque fois à l’agape les mains vides, et nous rentrons les mains pleines d’inventions et de recettes étrangères « prêts à consommer », et les salives pleines la bouche pour avoir trop contemplé avec stupéfaction les avancées notoires des autres peuples. Ce que je dis de l’Afrique est semblable à ce que vit le Cameroun aujourd’hui au niveau musical. C’est pareil à ce que subit le Cameroun aujourd’hui dans le secteur des cultures issues de l’urbanité : le rap, le hip hop.
Le rap camerounais n’est pas assez entré dans l’histoire, parce que comme nous l’enseigne Hegel, l’histoire est plus devant que derrière nous. Nous ne disons donc pas que le rap camerounais n’a pas d’histoire, bien qu’il manque d’historiens. Mais y’a-t-il histoire quand elle n’est pas inscrite sur du marbre, y’a-t-il histoire quand rien n’est écrit dans les annales, y’a-t-il histoire quand on ne peut rien consulter ? J’entends les uns et les autres développer des velléités pour faire un « documentaire sur le rap camerounais ». Même au sein de l’équipe de kamerhiphop, nous avons à un moment donné eu un tel projet il y’a des années. Mais pourquoi rien ne se fait, pourquoi rien n’est entrepris dans ce sens pourtant ce documentaire semble faire l’unanimité ? C’est peut être que de manière inconsciente, nous comprenons qu’il n’ y’a rien à faire la dessus. Un documentaire sur l’histoire du rap camerounais ou sur l’histoire du rap au Cameroun serait plus une œuvre romanesque qu’une œuvre d’histoire. C’est à dire qu’elle fera plus appel à l’invention plutôt qu’à la réalité propre. Puisque quand l’histoire n’est pas écrite au fur et à mesure qu’elle se crée, nous n’avons pour seule source que la source orale. Or la sagesse latine nous enseigne que « traductor es traditor » : le traducteur est un traitre, ni plus ni moins.
Nous pouvons prendre pour avantage que ceux qui ont posé les fonds baptismaux de cette culture au Cameroun sont encore des nôtres, ils sont même encore pour la plupart dans la partie, disons dans le game pour faire usage de l’expression consacrée. Jusqu’ici je ne sais pas ce que ces « has-been » cherchent encore là, ni ce qu’ils veulent encore trouver dans ce milieu. Les actifs de la « old school » qui sont obligé d’entrer en compétition avec les jeunes loups, nous font comprendre que chez nous comme ailleurs « le rap n’était pas mieux avant ». La preuve c’est que plusieurs d’entre eux se sont laissé influencer par les nouvelles tendances imposées avec force par la nouvelle école.
Dire que le rap camerounais, ou le rap au Cameroun n’est pas assez entré dans l’histoire, c’est aussi dire qu’il n’a pas encore écrit son histoire. Il ne l’a pas encore inscrite ou inséré dans l’encyclopédie du rap universel ou régional tout court. Comme l’Afrique qui n’a rien a dire au concert des nations, le rap au Cameroun est sourd et muet devant ce qui se dit et se fait dans le rap en Afrique et dans le monde. Comme nous l’a rappelé le maitre Nick B, nous ne partons dans les compétitions que pour applaudir et passer sur les spotligths. C’est toujours les autres qui remportent des trophées, qui signent en major, qui font des clips à des budgets colossaux et faramineux, à des dizaines de millions, qui remplissent des terrains de football, qui vendent des centaines de milliers de disques, qui ont des centaines de milliers de vues sur Youtube…qui sommes nous donc ? Des éternels spectateurs, applaudisseurs des victoires que nous aurions pu remporter nous-mêmes avec le même honneur !
Ne sommes nous pas un pays regorgeant de très grands maitres dans l’art du rap, qu’est ce qui explique donc que les organisateurs des KORAS, des MOBOS, des MAMA, et des autres cérémonies de récompenses ne pensent point à nous ? N’avons-nous pas aussi des rappeurs qui passent à « crasse Tv », que dis je Trace Tv pour que les promoteurs de spectacles manifestent un oubli constant et répété envers eux frisant le mépris ? Pourquoi les rappeurs camerounais sont’ ils autant marginalisé ? Cette marginalisation est visible non seulement au niveau international, mais elle l’est encore plus au niveau local. Même dans leurs propres pays, les rappeurs ne sont pas des stars, ils n’attirent aucune foule. Même lorsqu’on parle de la culture camerounaise, malgré quelques signes insignifiants qu’on veut bien nous présenter, le rap est toujours banni et bâclé par les musiques de masse, les musiques dominantes. Les rappeurs kamer ont compris qu’il ne suffit pas de chanter qu’on est boss pour le devenir, on le devient d’abord par le travail et l’efficacité avant que de le chanter.
Un documentaire sur l’histoire du rap au Mboa serait la bienvenue certes, mais il serait très mal partie, comme l’Afrique justement. Comment sera-t-il tourné, qui doit ‘on interroger, qui ne doit’ on pas interroger. Dans un contexte de confusionnisme où l’on a la propension à tout mélanger, qui fait finalement partit de la culture rap et qui n’en fait pas. Qui est apte à parler de ce mouvement et qui ne l’est pas. Comment ce documentaire sera-t-il distribué, comment sera-t-il vendu, comment et où sera-t-il diffusé. Dans un milieu allergique à l’achat et inapte à la vente, on aura dépensé les énergies pour rien du tout. Les rappeurs n’arrivent pas encore à écouler 1000 disques, à remplir une salle de spectacle, et avoir 10 000 vues sur Youtube… J’ai assez peur qu’on ne produise un DVD qui va rester, comme la plupart des disques du rap kamer, dans les bacs et ne jamais en sortir.
Tant que nous ne pourrons pas relever ces défis, tant que nous n’allons pas accepter que nous sommes à la traine de l’histoire du rap en Afrique, tant que nous n’aurons pas honte de notre situation actuelle, tant que nous n’aurons pas la rage d’en sortir, nous n’inscrirons rien du tout dans les pages de l’histoire de la culture camerounaise et du rap africain. Il y’a quelques années certains se plaisaient à fêter béatement les 21 ans du rap au Cameroun. Je me suis demandé quand est ce qu’on va finir de se moquer de nous même. Imaginez-vous un seul instant un homme de 21 ans qui n’a pas toujours pu obtenir la majorité. Qui n’arrive même pas encore à se tenir sur ses quatre jambes, qui balbutie encore, et qui crie aux éclats quand on lui refuse le sein. Dans tout cet état qui inspire le dégout et le manque de dignité, il se plait des ses 21 ans. Un jeune de cet âge qui n’arrive pas encore à écrire son propre nom, à jouer avec les jeunes de son âge, qui pleurniche encore et exige la tétine est un nourrisson et rien d’autre. Kery James a dit dans la même période que « ça fait 10 ans que mon rap dure, brise les murs, fracture les portes et les fémurs ». Nous depuis 21 ans quel est le tout petit exploit que nous avons fait, à part se prosterner pour aller au Gabao, où épier les uns et les autres pour passer sur Trace Tv.
Pour moi, le rap au Cameroun n’a pas encore ses 10 ans, il est très jeune, il a encore beaucoup à apprendre. Ayons la bonne foi et le peu de courage qui nous reste pour l’admettre. La vérité fondamentale c’est que si depuis nous n’avons rien pris, c’est que nous n’avons encore rien appris. Ni de nos défaites ni des victoires de autres. Mais nous passons le temps à nous prendre pour de grands savants. Voici en quelques mots le drame du rap camerounais.
« Nous devons nous vider du comble afin de combler le vide ».
Signé, Le REC, dans la capitale.