Wegan’s : « Notre hip hop manque de politique agressive de promotion »

Kamerconnexion, Othentik klik, rap kamer, le théâtre qu’elle pratique à l’université de Yaoundé II, le force A4, sa rencontre avec Jésus Christ … la rappeuse Wegan’s expose sa vision des grands chantiers du hip hop kamer . Et dévoile quelques uns de ses projets notamment les albums rap et variété africaine qu’elle est entrain de peaufiner.
Qui est Wegan’s ?
Wegan’s est une jeune camerounaise âgée de 22 ans. Etudiante en art et spectacle, je suis en année maîtrise à l’université Yaoundé II à Soa. Je fais du hip hop depuis 10 ans. En 1996 déjà, j’avais participé à l’institut Goethe à un atelier hip hop avec mon groupe de l’époque Section Extrême qui était composé de SALYR, HAAVYR et moi. En suite, je forme le groupe Force A4 (Claudia, Amina, Speereet et Wegan’s), nous avions collaboré dans l’album du groupe Othentik Klik. En 1999, je pose dans la compil Kamerconnexion sur le son Couleur café en featuring avec le groupe Negrissim (Boudor et Sadrak). En 2001, j’entame une carrière solo et j’ai profité également pour me mettre à fond dans le théâtre. J’ai participé à beaucoup de projets d’art plastic et à des nombreux festivals. Je tiens à rappeler que l’une des raisons de mon break a été ma rencontre avec Jésus Christ qui m’a montré le chemin. actuellement, je bosse avec le groupe CNA ; je compose beaucoup de chanson gospel. Ma musique aujourd’hui est une confession de foi.
J’ai aussi travaillé avec DJ Polo AKA Krotal à l’époque du label Osmose au Magix Studio devenu Mapane Records. Il m’a appris beaucoup de choses.
Comment t’es arrivée dans le hip hop ?
j’ai commencé à chanter très jeune, à l’age de 6 ans. J’ai crée mon premier groupe « Sapin Rouge » à l’age de 10 ans. J’écris mon premier texte de rap donc je garde encore les deux premières phrases à 11 ans. Mes frères (SALYR et HAAVYR) avaient crée le groupe Section Extrême et les répétitions se passaient à la maison. Un jour, en plein repet du posee, je prend le M.I.C et je pose. Ils apprécient et c’est comme ça que j’intègre le groupe Section Extrême à 12 ans. Après, j’ai participé aux Sunday rap, aux ça me dit rap, j’ai aussi rappé dans certaines boites de nuits de la capitale avec le Force A4.
Comment t’as fait pour intégrer une compil aussi forte que le kamerconnexion, surtout tu n’avais que 16 ans ?
Louis Tsoungui (Manager du label Mapane Records) avait auditionné les groupes de rap pour cette compil. Je m’étais présentée avec Speereet, nous avions posé sur un son autre que couleur café. Je tiens à préciser que couleur café est un son de mon album. Le son que j’ai posé avec Speereet n’a pas été retenu, mais c’est plus tôt couleur café. J’ai même demandé à Louis : « pourquoi t’ as choisi couleur café alors que Wegan’s n’est plus la même ? », il m’a répondu : « c’est un son que je sens ».
Entre Wegan’s de couleur café et Wegan’s d’aujourd’hui, il y’a une légère différence.
Alors dans un mouvement dit de « mecs », comment s’est passé ton intégration ?
J’ai été bien accueillie. Pour être franche, je n’en ai pas souffert. Au départ, j’ai traîné avec des groupes comme AK Sang grave, j’oubliais même que j’étais une fille. A l’époque de Force A4, nous avions eu quelques petits blêmes avec certains mc’s émergents qui n’étaient pas contents du fait que nous soyons programmées à presque tous les spectacles.
Le rap que beaucoup des parents considèrent comme étant une musique de « voyou », comment t’as fait pour convaincre les tiens ?
Mes deux frères aînés ont commencé à faire du rap bien avant moi. Ils ont préparé le terrain. A une époque, mes frères avaient des nattes et ma mère n’avait pas apprécié. Honnêtement, nos parents nous soutiennent beaucoup. Pour anecdote, ils étaient venus nous encourager aux Sunday rap. Notre mère nous avait donné un jour 30000 fCFA pour l’enregistrement de notre maquette. J’ai dormi au studio Zomloa Recordz à l’époque ou je travaillais avec DJ Bilik et ma mère n’avait rien dit. C’est dire à quel point, ils ont confiance en nous.
Pourquoi est ce que le Force A4 a-t-il disparu ?
Force A4 était au départ un projet Wegan’s– Shabazz. L’objectif était de former un groupe de meufs. Nous avions fait appel à Amina et Claudia qui formaient le groupe « Nasidane » et Speereet qui faisait partie du groupe Othentik Klik. Nous avions participé à l’album d’Othentik klik, nous avions également enregistré 4 titres à Zomloa Recordz qui n’ont malheureusement pas abouti.
La séparation ne s’est pas faite de commun accord, chacune regardant de son coté. Claudia va en Cote d’ivoire, Speereet s’engage dans son album solo, Amina se concentre sur ses études et moi je me concentre sur mon album, mes études et Dieu.
Quelle relation entretiens tu avec les hippopeuses du bled ?
Je m’entendais bien avec Black Deegy. Dans mon projet d’album, je ferai quelques feat avec Danielle Eog. Par contre, j’entretiens de très bonne relation avec les filles de force A4 (surtout Amina et Speereet qui sont au pays) . Lady B, je ne l’ai jamais rencontré.
Depuis Kamerconnexion, on ne te sent plus. Qu’est ce que tu deviens, rapologiquement parlant ?
Je prépare mon retour. Actuellement, je bosse sur un projet d’album. Je travaille avec plusieurs labels : DJ Str’ss fait 50% des musiques , Shy FX fait 25 % et les derniers 25% Seront réalisés avec le concours de Diaspo Record et e-prod.
Je travaille également sur un projet d’album de variété africaine avec le groupe Makombi au studio Innauv’ et mon pote Ralain Rass.
Tu bosses avec Shy FX et DJ Str’ss, deux personnes aux styles différents. L’album aura quelle coloration ?
Shy FX bien qu’étant « Ricain », respecte les lignes que je lui donne. Sinon, chacun bosse à son niveau. Mon album sera Jazzy et les musiques sont influencées par le groupe Les Nubians.
Quels sont les thèmes de l’album ?
Les thèmes sont très spirituels. Je parle de ma relation avec Dieu, de mes animaux, de l’école. Je m’attaque aussi à des sujets tels que l’homosexualité, je fustige aussi le comportement de l’état vis-à-vis de la jeunesse. Le titre de l’album n’a pas encore été défini, nous ne voulons pas qu’il porte le titre d’une chanson.
Quelle place occupe les meufs dans notre hip hop ?
Il nous faut des gens qui pensent le marketing dans le notre hip hop. A l’époque de Force A4, nous étions des « rappeurs » et non des « rappeuses », avec des baggy…bref ce n’est pas vendable. Pour faire avancer le hip hop kamer, nous devons mettre les meufs au devant de la scène. Il faut présenter le coté doux de la femme. Sinon les quelques meufs qui sont là ont un niveau appréciable.
Qu’as-tu appris de votre collaboration avec le groupe Othentik Klik ?
Dans ce genre de collaboration, on retient toujours une expérience de plus. Les gars étaient sympas. musicalement parlant, nous étions bien encadrées. Nous avions participé à des émissions radio et télé, même comme le finance n’a pas suivi. Je m’écoutais à la radio et pour moi c’est inoubliable. J’ai aussi apparu dans des journaux tels que planète jeune, 100% jeune, des magazines d’art plastic que le public rap ne connaît pas.
Quelle différence fais tu entre le rap des années 90 et celui de 2006 ?
A l’époque, les choses n’étaient pas du tout facile. Aujourd’hui, on assiste à une rénovation du rap. Votre site Internet qui donne un notre visage de notre mouvement à l’international, les CAMERHHA (cameroon hip hop awards) qui font venir les artistes de l’extérieur. Il y’a des home studios, des gars qui se spécialisent dans les multimédias pour servir le hip hop. Les jeunes qui se lancent dans les street swear, la danse hip hop qui revient en force…
Notre hip hop manque de politique agressive de promotion. Les groupes de rap tels que Othentik Klik et Negrissim ont sorti des albums sans clips alors qu’aujourd’hui, ceux qui ont les maquettes réalisent leurs vidéogrammes. Regardez le petit Gabon a son festival, le petit Gabon reçoit Diam’s, 50 Cent… le Sénégal a aussi son festival et les artistes sont mieux considérés. Notre pays souffre d’un manque d’infrastructures.
Et la scène hip hop ?
Nous devons travailler la scène. Quant tu as une scénographie bien faite, forcement tu vends ton mouvement. Il y’a progrès mais cela ne suffit pas. regarde les spectacles de gars comme Krotal, le groupe S Team… la scénographie est bien faite et c’est beau à voir.
T’as des conseils à donner aux jeunes filles qui veulent faire du hip hop comme toi ?
Le premier conseil que je donnerai aux filles, c’est de se rassurer qu’il y’a une flamme en elle. Il ne faut pas venir pour simple phénomène de mode. Il faut qu’elle se rassure que ça vient d’elle-même. Il faut travailler dur, il faut aussi se définir. C’est quoi ma musique ? qu’est ce que je peux apporter ? est ce que je suis une bonne rappeuse ? suis-je prête pour une telle aventure ? il faut éviter de suivre les tendances, car le rap a ses règles. Ne faisons pas le rap parce que Lady B chante à la télé.
T’as des projets ?
A cours terme, je travaille sur mon mémoire académique qui aboutira sur un spectacle au centre culturel français de Yaoundé. Mon projet d’album rap avance. Il y’a également mon projet d’album de variété africaine qui est un album plus large. L’album s’intitule « africaine » qui est en même temps le titre d’une chanson.
Ton mot de fin ?
Je dis paix sur le Cameroun. Longue vie au hip hop kamer. Je me permets de donner une citation biblique « rachetez le temps car les jours sont mauvais ». merci à kamerhiphop.com, c’est vraiment un très beau cadeau.