Amkoullel : « Le hip hop c’est le message et l’engagement…la voix des sans voix »
Direction le Mali à la rencontre de Amkoullel. A lui tout seul il représente l’enchevêtrement entre musiques traditionnelles maliennes et sonorités urbaines. L’enfant Peul (c’est son sobriquet) s’est imposé au fil de trois albums comme un leader incontournable du rap africain. Drôle et sérieux à la fois, ce fils du Mali nous amène à la découverte de son univers artistique et de son Mali chéri qu’il peint à sa façon dans son dernier opus Ne Ka Mali !! Bienvenue au Mali.
Kamerhiphop.com : Pourquoi avoir choisi Amkoullel comme nom de scène ?
Amkoullel : J’ai choisi le nom Amkoullel en référence à l’oeuvre d’Amadou Hampaté Bah pour montrer mon attachement aux valeurs Africaines et rendre hommages aux différentes cultures Africaines. Je partage ce rêve, qu’ont beaucoup de jeunes Africains, d’une Afrique plus unie et plus forte.
Ton dernier album Ne Ka Mali est sorti cette année dans les bacs. Que veux-tu dire à travers Ne Ka Mali ?
A travers NE KA MALI !! Je veux montrer une des facettes de la musique urbaine contemporaine malienne et africaine. Il faut que chacun assume sa part de responsabilité dans la construction du Mali ou de l’Afrique de demain. NE KA MALI !! (Mon Mali, ndlr), cela veut dire que j’assume le bon et le mauvais qui se passe ici car il est très facile de dire « ce n’est pas moi, mais les autres… ». A l’image du mélange des genres musicaux de cet album, je pense qu’il faudrait que la jeunesse africaine utilise à son avantage le métissage culturel issu de la colonisation. La colonisation a été ce qu’elle a été, maintenant à nous de transformer ce fait historique en force et non en fardeau justifiant notre passivité suicidaire.
On se rend compte lorsqu’on t’écoute que tu ne te limites pas qu’au rap, tu t’ouvres aussi bien au slam, au ragga ou même au jazz. Comment définis-tu ton style musical ?
Je dirais que c’est du tradi-moderne malien, une des musiques du malien ou de l’africain d’aujourd’hui. Un mélange de ce que nous avons tout plus ou moins écouté. Un mélange des parfums de notre terre, avec ceux d’ailleurs qui nous viennent portés par le vent.
Peut-on dire de Ne Ka Mali qu’il est l’album de la maturité et de la diversité ?
Je pense que la maturité est une notion subjective, et qu’à chaque étape de notre vie, de notre démarche artistique nous développons une sensibilité particulière que nous essayons de communiquer avec le maximum de sincérité. Si l’album touche le coeur des gens, les pousses à se poser des questions, la mission est remplie.
Dans cet album tu fais appel à d’illustres rappeurs tels Didier Awadi, Xuman, fanga fiing…qu’est ce qui a guidé ce choix ?
Ce sont des artistes que je connais depuis longtemps et là c’était l’occasion de les avoir à mes côtés sur mon nouvel album. Ces collaborations se sont faites tout naturellement. Je n’avais rien prévu à l’avance. Je pense qu’il faut toujours laisser une part de hasard à la création. Il faut qu’elle soit libre, sincère, spontanée, qu’elle corresponde à ce que tu ressens exactement où tu lui donne vie.
Au fil de tes albums et en écoutant des chansons telles que A.P.E, on constate que t’es un rappeur engagé. Quelle peut être la finalité de cet engagement ?
L’objectif premier est de pousser les gens à se poser des questions en leur donnant le maximum d’information sur des sujets ou décisions qui peuvent changer ou affecter la vie de la société. Le hip hop c’est le message et l’engagement. Etre la voix des sans voix est l’essence même du hip hop à la base, et c’est pour le moment encore une réalité en Afrique. Espérons que ça dure.
Lorsque tu rappes en Bambara n’as-tu peur de pas être compris par tous ?
En général, mes textes en Bamanan sont toujours accompagnés d’un refrain ou couplet en français pour le rendre accessible. Mais la langue n’a jamais été une barrière en matière de musique, l’émotion qu’elle dégage ou pas est le plus important. Il y’a des textes que je fais volontairement tout en bamanan; comme on dit « le linge sale se lave en famille.» Dans ces cas je partage l’émotion avec tout le monde, mais les sujets abordés ne sont pas très agréables à entendre et encore moins à dire, mais il faut le faire. Donc s’il faut le faire, autant le faire avec pudeur et respect.
Avec Lassy King Massassy, Ramsès (Tata Pound) deux icônes du hip hop malien, tu as crée le collectif Bama Saba avec un style le Kotèrap. Parle-nous un peu de ce projet et du spectacle Mali Safari.
Bama Saba veut dire les 3 caïmans, symbole de la ville de Bamako. Mali Safari est le premier Kotèrap Africain. Il existe les comédies musicales et nous avons crée, avec le concours de Blonba (Alioun Ifra N’diaye et Jean Louis Sagot-Duvauroux) le Kotèrap; quelque chose qui nous ressemble et peu mieux parler aux africains.
Deux années consécutivement (2009 et 2010, ndlr) tu es recalé au Prix découverte RFI. Après ta non sélection de cette année parmi les 10 finalistes, quel est ton sentiment ?
Je n’ai pas remporté le trophée, mais je suis content d’avoir été sélectionné à chaque fois que j’ai présenté un dossier de candidature. Cela fait plaisir quand tes messages et tes oeuvres sont relayés à cette échelle et te permet de toucher un certain nombre de personnes. Ce prix est une très belle initiative et il en faudrait encore beaucoup d’autres pour que tout le monde ai droit à sa chance. Remporter le trophée m’aurait fait plaisir mais cela n’est pas une fin en soi mais une étape dans mon parcourt.
Dix sept (17) Etats d’Afrique francophone célèbrent cette année le 50tenaires de leurs indépendances avec des festivités grandioses d’un pays à un autre. En tant que artiste quel commentaire peux-tu faire ?
Je ne vois pas ce qu’on fête exactement. Indépendance..? C’est triste, mais je regarde partout autour de moi et je ne vois que désillusion, désespoir dans le regard des gens. L’indépendance, la liberté c’est d’abord dans la tête, dans les esprits, dans le ventre, et dans la poche. C’est à nous, la jeune génération de continuer le travail fait par nos aînés, je ne parle pas de ceux qui ont pillés et continuent de vampiriser l’Afrique, mais de nos dignes et nobles représentants.
Tu as eu la chance de côtoyer des sommités telles que Manu Dibango, Keziah Jones, Tiken Jah Fakoly, Cheik Tidiane Seck, Alpha Blondy….que t’auras apporté toutes ses rencontres ?
Je me suis dis, c’est génial je suis avec ces grands, et surtout que si je ne faisais pas mieux qu’eux, je ne devais faire moins. Ces rencontres m’ont permis de peaufiner mon style et de le faire évoluer vers un hip hop à l’image des rencontres culturelles qu’ont connus notre vieux continent, et celle que j’ai pu faire à ma modeste échelle.
Ecoutes-tu du rap Camerounais ?
Rarement je l’avoue, mais j’aime beaucoup la couleur musicale de Negrissim qui me donne vraiment envie de mieux beaucoup le rap Camerounais. Et j’ai découvert Bam’s grâce à la compile Afrolution 2.
Peut-on s’attendre à un duo Amkoullel avec un rappeur camerounais ?
Oui, j’aimerais bien, pourquoi pas avec Negrissim. Vous m’inviter quand, Kamerhiphop, au Cameroun pour un enregistrement ?
Quels sont tes projets à venir ?
Faire connaître le hip hop africain à travers le monde. Envahir les states avec notre hip hop avec autant d’efficacité qu’eux en Afrique.
Le mot de la fin ?
Merci pour cet intérêt que vous portez à ma musique. Je rêve d’une Afrique plus forte et plus unie, cela est possible, et cela se fera. Cela est de notre responsabilité, nous jeunes africains. Le futur, l’avenir, c’est tous les jours, c’est aujourd’hui, c’est il y’a une seconde… A bientôt au Cameroun !!