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vendredi, septembre 20, 2024
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Achille Djoumsie : « Mes vérités sur le rap Kamer »

Le jeune promoteur passe au peigne fin toutes les difficultés du Hip hop camerounais


On vous sait très actif dans l’univers du hip hop camerounais, quel est votre motivation?
En allant sur la base que le hip hop est une musique de jeunes par les jeunes et pour les jeunes, Ce n’est pas évident car chez nous les jeunes sont sans emplois et ont un pouvoir d’achat très faible. Se lancer dans cette aventure demande beaucoup de foi et de passion, armes sans lesquelles on ne peut investir dans ce style musical. Mais on garde espoir car si ça marche ailleurs, pourquoi pas chez nous! Il suffit de bien bâtir la base.


Vos activités passent par l’organisation des concerts, quel est le but recherché par Ach4life, votre structure?
Ces concerts mensuels sont pour moi une plateforme de diffusion et de promotion de cette musique tant marginalisée qui souffre du manque de lieu d’expression. Les rappeurs ont à dire et veulent exister! Nous leur offrons donc cette tribune de libre expression artistique pour montrer au public tout leur savoir faire. On fait le tour de la culture hip hop: Rap, Rn’b, soul, ragga, dancehall, dance urbaine, streetwear, painting show etc. Il faut maintenir allumée la flamme de cette culture née dans la rue avec des codes et un langage universel pratiqué par un milliard de personnes à travers les cinq continents. C’est enfin préparer le terrain pour obtenir à la fin un vaste vivier de consommateurs de hip hop qui feront marcher l’industrie en achetant des disques et en assistant aux concerts.


Pensez-vous que les concerts élèveront le hip hop camerounais?
Par tous les moyens il faut une plateforme d’expression, produire des disques ne suffit pas. La piraterie et le téléchargement libre sur internet ont tué la vente des disques. Lors d’un spectacle, l’artiste échange, communie avec son public. Il crée une certaine symbiose et en fait des vrais fans qui le suivront partout et achèteront ses disques. L’exemple nous vient du Gabon ou du Sénégal où le gouvernement s’investit dans le hip hop en organisant des concerts géants avec des stars mondiales tels que 50 Cent, Missy Elliot, Jay Z, Beyonce etc. Associés à chaque fois aux stars locales, ce qui a immédiatement lancé le rap biz dans ces pays et propulsé au rang de stars des rappeurs comme Didier Awadi, Koba, Baponga, MovaizHaleine etc. Dans notre pays, la carence en concert tue l’industrie car il faut attendre une ou deux fois par an qu’une entreprise pour besoin de promo organise un concert, c’est très insuffisant! Mais avant les concerts il y a la qualité des textes, de la bande son, des clips vidéos, une bonne promo dans les médias. Tous ces domaines sont vraiment à revoir car de nos jours, le consommateur est exigeant et il faut de la qualité.


En dehors des concerts quel autre combat menez-vous en faveur de ce mouvement?
Mon véritable rôle est le conseil et l’encadrement des talents. Car je me suis rendu compte que très souvent ils font mal par ignorance. Je leur enseigne les bases de l’industrie, comment monter un press-book, un blog, les différents types de contrats, je les mets en contacts avec le monde des médias, les producteurs, clippers bref les autres promoteurs et acteurs du show biz. Je compte d’ailleurs ouvrir une agence de marketing culturel spécialisée dans les musiques urbaines pour le faire de manière professionnelle.


D’après vous quels sont les obstacles au développement et à l’avancement du hip hop camerounais?
Le premier obstacle est purement artistique. Le rap est une musique où l’on exprime une pensée originale d’où l’obligation de bien se cultiver et de savoir manier les langues. Mais malheureusement la nouvelle génération plonge dans la facilité, un manque déplorable d’originalité, les textes sont pauvres et le style presque médiocre. Ensuite la marginalisation par la société de ce style de musique et de ses adeptes qu’on traite à tort de voyous, de fous! Jadis on pouvait citer le difficile accès aux médias audiovisuels mais des progrès sont faits dans ce sens et tous les jours le hip hop prend de l’ampleur dans nos médias. Enfin, le manque de maturité des acteurs du hip hop et le faible pouvoir d’achat de la jeunesse camerounaise.


Qu’est ce qui peut expliquer le manque de producteur de hip hop, rap au Cameroun?
Nous sommes la première génération de hip hop au Cameroun et avec le peu de moyens dont nous disposons, nous essayons mais il en faut plus. Nos ainés ne comprennent rien à cela. Ce n’est pas leur bulle, ils ne peuvent donc pas y investir. Plus tard ça se fera d’où l’importance de tout faire pour maintenir la flamme. En France et aux USA, les producteurs n’ont pas 40 ans. Ils ont la vingtaine ou la trentaine…mais se font des millions d’euros ou de dollars avec le hip hop et d’ailleurs le hip hop est assis depuis quelques années au sommet des ventes tous types de musiques confondus.


Quel (s) rappeur (s) Camerounais pouvez-vous présenter aujourd’hui comme modèle (s) du domaine?
Nous pouvons citer sans hésiter Krotal, Sultan Oshimin, Boudor mais aussi, SIR Nostra, Valsero, Alberto les Clefs, Killamel, Terror, DUC Z, Lady B pour ne citer que ceux là!


Est-ce qu’il vous est souvent arrivé de faire une comparaison entre le rap camerounais et celui des pays comme le Gabon ou le Sénégal?
Très souvent. Car je m’inspire beaucoup de ce qui est fait où n’est pas fait chez les autres pour apporter le petit plus qui fera la différence. Nos frères gabonais et sénégalais pour ma part sont plus originaux, plus profonds que nous. Au Sénégal par exemple, 80% du rap est fait en wolof la langue locale avec plus de 6 festivals de hip hop chaque année et des centaines de concerts de bon niveau. Au Gabon c’est surtout leur démarche dans le show biz qui me plaît. De concerts de rêves tous les mois avec de grosses pointures mondiales. Ce qui nous manque ici. Koba à lui seul rempli des stades de foot. Chez nous c’est à peine si nos stars remplissent un CCF de 300 places à 1 000 FCFA. Le disque se vend à 5 000 FCFA au Gabon et en dizaines de milliers. Chez nous du haut de nos 20 millions d’habitants c’est à peine si les meilleurs vendeurs atteignent 10 000 CD, il n’y a qu’un festival qui évolue en dent de scie, pas de scènes, pas de producteurs etc. Beaucoup reste à faire! Ne parlons même pas du Nigéria ou de l’Afrique du sud car c’est une autre dimension.


Quel avenir voyez-vous au rap camerounais?
Je suis un peu pessimiste, mais c’est le constat que je fais malheureusement! Je vois la fin si rien n’est fait, je tire ainsi la sonnette d’alarme pour dire à ses acteurs comme le titre du groupe C-MINAIRE «Réveillez-vous disciple du hip hop kamer, unissons nous» car l’heure est grave!


Et en tant que promoteur de ce mouvement quel est votre vœu?
Une radio, une chaine de télé, un magazine acquis au hip hop kamer, des bars des cafés des discothèques hip hop kamer. Le streetwear, des concerts géants avec en tête d’affiche nos stars locales. Des millions de disques vendus par Krotal et les autres! Bref une vraie industrie du rap.


Vos projets à venir?
Un sommet annuel du hip hop kamer chaque décembre, ma boite de marketing culturel et un véritable café concert hip hop dans la ville de Douala.
 
Source : www.journalducameroun.com

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