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mercredi, avril 17, 2024
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Hiphop : Lyrics Explicites

Au commencement de tout,
il n’y avait rien. Seul le vent faisait frémir la mauvaise herbe des terrains
vagues. Puis on y a bâti des lignes horizontales et verticales sans
perspectives. Par compassion, on les a baptisées de noms de fleurs, de poètes,
ou encore de héros des temps modernes comme pour dissimuler la laideur
esthétique et la vacuité de l’existence qui allait régner en ces lieux. Ces
cités sans futur devaient être régies par le mutisme et
l’abnégation.


 


Seulement voila, les
règles implicites de ce monde n’ont tenu que l’espace d’une génération, la
suivante a su refuser l’étouffement et bâillonnement. Pour se faire entendre,
elle s’est approprié un nouveau mode de revendication venu des
Etats-Unis, précisément de New York : le
rap.


Fin des années
70
, pou échapper à la défonce, à la prison ou au cimetière, les
« Bad Boys » de Brooklyn et du Bronx
préfèrent la résistance artistique à la violence. Dans la rue, les règlements de
comptes ne se font plus à l’arme blanche, mais à travers la danse, le graphisme
et les joutes verbales. Cette nouvelle forme d’art a pour nom « hip
hop
 », deux mots issus du slang, signifiant « se
défier par la parole, le geste, et la peinture
 ». de ces trois modes
d’expression, le rap va émerger et s’imposer alors comme le nouveau style de
musique noire américaine après la soul et le
funk. Il devient alors un manifeste distillant ses messages
politiques sur le quotidien des ghettos urbains.


Le rap s’impose comme le
cri venu des milieux urbains voués au silence. Dans les années 80, en France,
les jeunes des cités, reclus dans leurs tours de bétons, se reconnaissent
immédiatement dans cette nouvelle forme d’expression. Cette culture des bas
fonds trouve un écho dans les milieux ou les angoisses sont cristallisées autour
des mêmes problèmes : le chômage, la violence, l’échec scolaire,
l’éclatement familial. Mettant un nom sur le désespoir, le rap donne une voix
aux proscrits, leur permet de revendiquer, de communiquer, d’avoir une place sur
la terre.


 


D’abord mimétique, le
rap français a mis une dizaine d’années pour digérer son modèle puis s’en
affranchir enfin. La French Touch se démarque en cultivant la
spécificité de son verbe et de son langage directement puisé dans le bouillon de
culture des banlieues et de l’immigration. Sans complexes, les métèques de la
langue française fracturent la syntaxe, triturent la grammaire, métissent les
mots et inventent chaque jour de nouveaux termes pour traduire leur réalité.
Brassant le français d’extraction populaire, le maghrébin,
l’anglais, le manouche, les langues africaines
ou le langage des medias, les rappeurs à l’instar des chantres de l’art brut,
assemblent leur textes comme des ferrailleurs de la langue, valorisant le bric à
brac lexical de la France d’aujourd’hui et recyclant les mots de
fortune.


 


C’est sur terreau qu’ils
échafaudent leur propre mode d’expression, unique, spontané, à mi chemin entre
poésie moderne et tradition orale. Le rap est avant tout un flot de paroles
libres de tout assujettissement académique. Les rappeurs osent ce qu’aucun poète
ou écrivain ne peut oser, ils n’ont pas besoin de compter sur leurs doigts le
nombre de pieds, jouent avec les rimes en à peu prés, utilisent des mots
nouveaux avec une musicalité virevoltante. C’est l’essence même de leur art qui
ne s’embarrasse pas de contraintes, mais met en exergue le talent de
l’improvisation et du slogan. Peu importe la consonance, l’efficacité du message
et 
l’effet rentre-dedans doivent primer. Leurs textes, ils les
guelent, les deguelent, les crachent, les sortent de leurs tripes tel un magma
de frustrations et de haines accumulées.


 


Dans ces tranches de vie
urbaines, pas de verbiages, de ragots, d’états d’âme ou de palabres inutiles,
mais le témoignage urgent d’une jeunesse aux abois, honnie, méprisée,
déconsidérée, 
victime d’une France en crise, dépassée et xénophobe.  Les rappeurs abordent sans pudeur, sans
métaphore ni circonlocutions les spectres de cette fin de siècle : la
drogue, le sida, la précarité, le chômage, le racisme ordinaire.  Mais surtout, ils restent les seuls à
ouvrir encore leur gueule sur des préoccupations véritablement révolutionnaires.
Leurs textes écrits comme des réquisitoires sans appel prônent la lutte contre
le système répressif, dénoncent l’iniquité du système éducatif,  opposent la justice des nantis à celle
des laissés pour compte ou fustigent la belle escroquerie du capitalisme
triomphant. En contrepartie, ces discours à la fois nihilistes et extrêmement
individualistes, en somme vides de conscience politique, apparaissent bien
souvent comme populistes donc fatalement dangereux. Peut être parce qu’ils
traduisent la perte des illusions anticonformistes, balayant d’un revers de main
culture et contre culture, idées et idéologie, pour laisser place à un message
se réduisant à un « sauvage qui peut ma survie », loin des
utopies des soixante huitards, dont l’aventure plébéienne s’est souvent achevée
derrière le bureau d’un ministère. Les rappeurs, eux, n’ont rien à perdre :
ils n’ont rien. Mais ils ont tout à gagner, et ils le
scandent.


Le rap est l’expression
directe des incertitudes de cette fin de siècle. Cette tchatche hargneuse et
poétique, paradis des mots hybrides assenés comme des uppercuts, des flots qui
s’enchaînent comme des avalanches de coups de poings, est devenue le symbole de
l’anti langue de bois, ennemie naturelle du politiquement correct et de la
« novlangue » de la société du spectacle. Sa giclée verbale
s’est imposée dans le champ des medias par sa pertinence et sa perfection dans
le raccourci. Ses mots et ses locutions, ses codes vestimentaires et ses tics,
sa technologie et ses machines sont les témoignages vivants des fragments de
notre histoire contemporaine. Ils construisent  jour après jour, samples après samples,
sa légende. Et lorsque ses graines auront poussé dans le silo de nos mémoires,

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