Lalcko : Le Diamant noir de Lalcko
18 titres qui parlent de la condition du Noir en France, sans s’éloigner des réalités camerounaises.
C’est un homme libre. Il croit qu’on peut rester fidèle à ses idéaux malgré la pression sociale et professionnelle qui guette chaque instant pour vous tailler un costume où vous n’êtes jamais à l’aise. Lalcko, jeune rappeur camerounais a décidé pour la sortie officielle de son album « Diamant noir« , de ne pas se mettre en avant, en posant avec de grosses lunettes et chaînes pour faire sensation, mais de montrer une rue de chez lui. Un carrefour malfamé de Yaoundé, sur la pochette Lalcko signe « Diamant noir » au dessus d’une image où on peut reconnaître un chauffeur de moto taxi en surcharge, une vendeuse d’eau et une tenancière d’un call box, etc. « Ces gens rendent notre quotidien moins noir et les gens devraient regarder en face ce qu’ils ont fait de ce pays« , explique t-il pour justifier ce choix. La scène est campée. Les lyrics et le flow vont rester dans la même logique : décrier avec des mots vrais, violents mais justes.
On entre dans Diamant noir par le générique produit par Paul Simon pour la série à succès des années 80, Shaka Zulu. Légèrement mixé, on retrouve avec plaisir le refrain « We are growing, growing high and higher« . C’est le début du combat. Fraîchement échappé du label 45 Scientific, le rappeur Lalcko n’a pas tardé à mettre le couvert pour servir son premier album officiel dont la sortie au Cameroun a eu lieu en avril 2007. Laissée en partie aux mains expertes de Fred Dudouet, la production de cette galette attendue n’est pas sans rappeler une époque où le 45 créait la sensation dès l’annonce d’une sortie. Sans renouer intégralement avec les heures glorieuses du passé, force est de constater que l’alchimie est au rendez-vous entre les lyrics rugueux servis pas la voix rauque de Lalcko.
« La violence« , « Extension du territoire« , et « My niggaz » proposent notamment de bons moments. Quand les noirs sont surveillés, suspectés … parfois « ils craquent car même Jésus s’est montré violent avec les marchands dans le temple« . C’est d’ailleurs grâce à Dieu qu’ils supportent ce quotidien discriminant, pour lequel ils ont avalé le gombo glissant abandonnant Ongola, comme le livre ce refrain de My Niggaz « on naît dans la musique. On aime encore Jésus, on aime encore Moïse, on aime encore le prophète, on aime encore nos mères. On aime encore leurs bises, on aime encore nos biz ». Puis on glisse vers un style moins hardcore avec « Prestige et collections » et « Millionnaire » qui s’inscrivent parmi les meilleurs morceaux de cet album bien fourni.
Mais aussi « Don et malédiction » où il crache son venin avec une franchise si déconcertante que l’on lui pardonne la violence de ces textes, mais prévient que « l’argent a reçu une malédiction du diable. Aller le multiplier et vous verrez que le pognon sale est dur de laver, même à la machine« .
Malheureusement, d’autres prestations demeurent moins convaincantes, comme l’exercice de style « High Up » et sa tendance dirty qui tranche sans précaution avec l’ambiance générale. Peu de réussite également pour la collaboration entre Alkap et Gued Mussolini pour un « Rap pour la rue » trop convenu et sans ingéniosité. Relativement solide malgré des titres en dessous, la mixtape bénéficie de productions sérieuses et d’une identité vocale à suivre de Lalcko, qui pourrait faire parler de lui dans les mois à venir, si tant est qu’il se démarque de la famille de plus en plus nombreuses des rappeurs dits hardcore. Tout cela ne tient qu’à un effort de créativité.
Repères
Album : Diamant Noir
Auteur compositeur : Lalcko
Style : Rap
Sortie : Avril 2007
Nombre de titres : 18
A écouter : My Niggaz, Extension du territoire, Millionnaire, La violence, Prestiges et collections
Marion Obam pour Mutations