Hip Hop kamer : Voyage au cœur de la bêtise
Il y a des jours où s’aventurer sur www.kamerhiphop.com s’apparente à une véritable excursion au cœur de la bêtise. Pas que les concepteurs et animateurs de ce site manquent de génie. Non. Pas que la foultitude d’acteurs qui y exposent (voire s’y exposent) aient des rapports douteux avec la tenue. Non. Le mal est ailleurs. Aux bas des articles, des interviews et des chroniques. Là où l’échange convivial, la discussion courtoise, l’opinion originale et/ou profonde sont attendus. Mais où l’injure, l’indécence, l’immoralité s’installent et s’étalent au fil des lignes. Des lignes ? Quatre ou cinq, en général. Rédigées sous le modèle orthographique «sms» pour masquer les lacunes stylistiques et l’inconsistance conceptuelle de leurs auteur(e)s. Jamais signées d’un patronyme mais plutôt d’un pseudonyme fantaisiste rarement suivi d’une adresse mail. Un peu comme si Satan avait peur d’être démasqué….
Il arrive que le tissu d’inepties posté comme «commentaire» n’ait aucun lien logique avec le texte qui le précède. Ne soyons pas rigoureux : le bon sens n’est pas nécessairement la chose la mieux partagée sous nos latitudes. Ce qui attire et qui heurte davantage, c’est le ton du discours et le vocabulaire employé. Vous aimiez la jeunesse camerounaise ? Vous croyiez fermement en son équilibre ? Vous risquez être déçus car grivoiseries, déclamations haineuses, déclarations scabreuses s’effilochent au rythme des phrases. Pardon, des phases. Ça dégaine sec dans la jungle de la bêtise. Pour moins que rien, on reçoit des balles de « va te faire m….. », « sale enc…..é », « pu…..n », « petit merd…..x ». Ou d’autres joyeusetés du même acabit. Dans les échanges donc, il faut se dépêcher de traiter son interlocuteur de «péd…le» avant qu’il ne le fasse lui-même. La bêtise est là. Majestueuse et arrogante. Dans le souci d’injecter à tout prix des vulgarités relatives au sexe dans un débat d’idées. Dans la propension malsaine à discuter sur l’espace public des préférences sexuelles supposées des uns et des autres. In fine, dans nombre de « post » de www.kamerhiphop.com, l’analyse recule et la trivialité s’impatronise. Aucun égard pour le travail de sape abattu par les promoteurs du site. Aucun respect pour les acteurs de la scène hip hop et autres lecteurs. Aucune considération pour l’image internationale du public camerounais.
Y a-t-il lieu de créer un poste de modérateur du site qui, à l’instar de ce qui se fait ailleurs, filtrerait et ne publierait que les réactions « saines » ? N’est-ce pas trop demander à l’équipe d’administrateurs bénévoles du site ? N’est-ce pas retourner au paléolithique en portant un coup sérieux à la liberté d’expression, essence du mouvement hip hop et principe cardinal de la société camerounaise ? Faut-il plutôt inscrire en majuscules sur la page de garde du site www.kamerhiphop.com la mention bien connue : « -18. EXPLICIT CONTENT. PARENTAL ADVISORY NEEDED » ? C’est peut-être l’ultime recours pour maintenir la décence dans l’espace public électronique. Et se prémunir de la sauvagerie de ceux qui séchaient ou sèchent encore leurs cours d’éducation civique au lycée.
On aime à rappeler que le rap est né dans les quartiers mal famés. On oublie trop souvent que Jésus est né dans une étable, aussi. Et que son discours révolutionnaire et iconoclaste ne baignait pas dans la vulgarité. Bob Marley, Jimi Hendrix, Tupac Shakur, Michael Jackson, Lucky Dube, Dr Dre, Nas, Solaar ou Krotal ne sont pas nés dans un palais doré. Ils ont, chacun à sa manière et dans sa partie du monde, influencé l’univers artistique. Sans que leur vocabulaire public ne se circonscrive à « pu…..n », « enc…..é », « nic…..er ». Non, on ne fait pas la révolution avec un langage ordurier. Et la bêtise gratuite n’a pas d’excuses.