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mercredi, octobre 9, 2024
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« Présidents d’Afrique » » de Didier Awadi : Une ode aux symboles d’une Afrique digne et debout »

Les 21 titres de « Présidents d’Afrique » (Studio Sankara, avril 2010), le nouvel album de l’auteur-compositeur sénégalais Didier Awadi, portent un mot d’ordre : l’impératif d’unité pour libérer un continent malade de ses élites dirigeantes et sujet à une aliénation culturelle entretenue.


Les hommes que Didier Awadi (re)met ainsi au devant de la scène, n’ont pas tous exercé le pouvoir, mais ils ont en commun une vision progressiste de l’avenir du continent, autre que celle qui le maintient encore dans les liens de la dépendance.


Ces « présidents » avaient choisi, comme le dit le Burkinabé Thomas Sankara, de « risquer de nouvelles voies pour être plus heureux », en menant ce que Patrice Lumumba appelle la « lutte sublime » devant conduire le peuple « à la paix, à la prospérité et à la grandeur. »


Pour avoir osé dire que l’Afrique a besoin d’une voie autre que celle choisie par l’ancien « maître », nombre de ces leaders ont été combattus, déstabilisés ou simplement liquidés, souvent avec la complicité de leurs « frères ».


Même s’il refuse le terme, Didier Awadi est le porte-parole de millions d’hommes et de femmes à travers le monde : « Je représente des peuples nobles, des peuples fiers. Je représente les West Indies (Antilles), les opprimés d’hier/Je représente les diminués/Je représente les humiliés/Je représente les décimés/Je représente ceux qu’on oublie, qu’on appelle le peuple black ».


Du refus du Malien Modibo Keita de se voir imposer un mode de pensée, un mode de vie, un mode de développement politique et économique, à la critique lucide de la colonisation, du Martiniquais Aimé Césaire, en passant par le discours de réconciliation de Nelson Mandela après des décennies d’apartheid, l’album « Présidents d’Afrique » est une mise en musique de visions, d’idéaux de progrès, de paix et de justice.


On y entend Thomas Sankara dire sa volonté d’ « ouvrir les esprits sur un univers de responsabilité collective pour oser inventer l’avenir « , Kwame Nkrumah marteler que le salut de l’Afrique et des Africains réside dans l’unité, et Cheikh Anta Diop parler d’origine africaine de l’Homme.


La démarche de Didier Awadi a été celle d’un panafricaniste qui est allé chercher des coups de main un peu partout sur le continent et dans sa diaspora : Tatapound (Mali), Maji Maji (Kenya), Tiwony et Lady Sweetie (Antilles), Smockey (Burkina Faso), Dead Prez (USA), Skwatto Kamp (Afrique du Sud), Lexus (RD Congo), Sugu Mister 2 (Tanzanie), Chiquita (Mozambique), etc. Tous ont le profil de sentinelle vigilante de la marche du continent.


Dans leur voyage, les musiciens adoptent le patrimoine allant des sonorités orientales sur le titre « Comme Nasser » aux cris de ralliement zoulou (« Amandla »), en passant par les mélodies mandingues magistralement interprétées par Noumoucounda Cissokho, Mamy Kanouté, Babany Koné… Avec eux, le message se veut clair et utile. Il éveille, conscientise, contribue à un réarmement moral, redonne confiance. Tout pour continuer la lutte « coûte que coûte ! », comme le dit Thomas Sankara


Le peuple crie sa colère (« Woye »), mais « le gouvernement ne comprend pas. La vie est chère, le salaire est bas, mais le gouvernement ne comprend pas. Son train de vie nous blesse », s’indigne Awadi, révolté par le fait que les dirigeants restent sourds aux revendications du people qui a faim, à ses appels à la prise en compte de ses aspirations légitimes.


Le rappeur sénégalais dénonce les artifices qui dénotent d’un complexe d’infériorité. A l’Africain qui se blanchit la peau ou se teinte ses cheveux, il dit : « De quoi t’as honte ?/De qui t’as honte ?/Pourquoi t’as honte ?/J’ai vu des soeurs changer de peau/Du noir on vire au jaune avec des taches sur la peau/Le truc est sale/En plus ça pue. »


Le disque accorde une place logique au leader guinéen Sékou Touré, le seul à avoir dit « Non » de manière catégorique à Charles de Gaulle qui proposait une communauté franco-africaine, cet aménagement du régime colonial qui maintient encore aujourd’hui nombre de pays d’Afrique dans les liens d’une terrible dépendance, synonyme de courbettes et d’indignité, surtout des élites.


« Présidents d’Afrique » c’est aussi le saisissant échange entre Didier Awadi et Frantz Fanon. Le psychiatre martiniquais l’aide, à travers un discours sans ambiguïté – extrait de l’intervention de Fanon au premier Congrès des écrivains et artistes noirs à Paris (septembre 1956), à comprendre pourquoi un chef d’Etat français (Nicolas Sarkozy) en est arrivé, le 26 juillet 2007 à Dakar, à reprendre les stéréotypes et clichés racistes du 19-ème siècle.


A Didier Awadi qui ne comprend pas pourquoi un fils d’immigré (Sarkozy) « insulte » les Africains, Frantz Fanon explique : « La réalité est qu’un pays colonial (ici, la France) est un pays raciste. Si en Angleterre, en Belgique ou en France, en dépit des principes démocratiques affirmés par ces nations respectives, il se trouve encore des racistes, ce sont ces racistes qui, contre l’ensemble du pays, ont raison. » Pour lui, « le raciste, dans une culture avec racisme, est donc normal. L’adéquation des rapports économiques et de l’idéologie est, chez lui, parfaite. »


« Voilà, conclut Awadi, pourquoi ton identité nationale, en fait, c’est bien du racisme/Même sous des habits d’intégration c’est du racisme/L’immigration concertée c’est bien du racisme/Quel que soit le jeu de mots choisi c’est du racisme/Les queues devant les consulats c’est du racisme/Délit de sale gueule pour les visas c’est du racisme/Délit de pauvreté de l’Africain antikamitisme/pauvre et musulman c’est la totale, antikamitisme. »


Album à remonter le temps, « Présidents d’Afrique » insiste sur l’essentiel, le fonds culturel commun qui lie tous les Noirs du monde, par delà les continents. « Ce qui nous lie est au-delà de l’histoire, dit le poète Léopold Sédar Senghor. Il est enraciné dans la préhistoire. Il tient à la géographie, à l’ethnie, et, partant, à la culture. Il est antérieur au christianisme. Il est antérieur à l’islam. Il est antérieur à toute colonisation. C’est cette communauté culturelle que j’appelle Africanité. Et je la définirai comme l’ensemble des valeurs africaines de civilisation. »
Awadi est plus précis dans la définition de cette communauté culturelle : « On a tout en commun/Depuis Toutankhamon/La même âme, la même peau, le même sang, depuis Akhenaton/les mêmes traits, le même nez, les mêmes bouches. »


L’album « Présidents d’Afrique » est là pour rappeler que l’Afrique est encore en lutte pour arriver à une « décolonisation intégrale » (Sékou Touré). Frantz Fanon disait que « la fin logique de cette lutte est la libération totale du territoire national ». Et pour Awadi, comme pour des « présidents » chantés et tous ceux qui n’ont pas cédé au pessimisme ambiant, ce territoire c’est l’Afrique avec ses valeurs morales et spirituelles, ses ressources humaines et naturelles.


Source : allafrica.com

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