hello@kamermoov.com
samedi, septembre 7, 2024
News

Valsero : Valsero, rappeur sans peur

Avec ses textes incisifs et courageux, l’artiste camerounais Valsero est
devenu le porte-voix des jeunes de son pays. Tout en s’investissant au quotidien
pour un changement social, il prépare un nouvel album, Autopsie, dont la sortie
est prévue en juillet 2010.
Valsero a choisi son camp : celui de ceux qui
dénoncent. Dans son pays, le Cameroun, où on a pris l’habitude de subir en
silence par crainte de représailles ou de se taire contre de l’argent, le
rappeur à la voix rocailleuse et au regard acéré fait figure de météorite. Il
est par conséquent redouté : ses morceaux ne sont pas diffusés par la
radiotélévision publique et ses concerts sont régulièrement interdits par les
autorités ou interrompus par la police.
Valsero, lui, « a l’impression d’être
vivant, réel » lorsqu’il s’exprime. Le népotisme du régime, la corruption, le
détournement des fonds publics par les dirigeants, le pouvoir et les ressources
confisqués par une poignée de sexagénaires et septuagénaires, le désarroi des
jeunes confrontés au chômage : il décrit les maux du Cameroun à la perfection.
« Ce pays tue les jeunes, les vieux ne lâchent pas prise (…) / Cinquante ans de
pouvoir et après ça, ils ne lâchent pas prise / La jeunesse crève à petit feu /
Tandis que les vieux derrière la forteresse se saoulent à l’eau de feu / Ce pays
est comme une bombe et pour les jeunes un tombeau », scande-t-il dans son premier
album, Politikement instable, sorti en 2008.


L’envie de dire…
 
Valsero, de son vrai nom
Serval Gaston Abe, « frappe fort » parce qu’il sait de quoi il parle : comme la
grande majorité des jeunes Camerounais, soit plus de la moitié de la population,
il s’est retrouvé au chômage et sans aucune perspective, une fois ses études à
l’Ecole des postes et télécommunications terminées, en 2002. Révolté, il
commence à écrire. « Au début des années 1990, j’écoutais du rap pour le plaisir.
Et puis, plus tard, j’ai été confronté à la vraie vie, aux vrais problèmes, à la
douleur du chômage. J’ai commencé à comprendre ce que disaient les rappeurs.
J’ai eu envie de dire moi aussi », explique-t-il.
Dans Lettre au président,
son morceau le plus connu, le chanteur admiré pour son courage s’adresse
directement au chef de l’Etat Paul Biya, 77 ans, dont vingt-huit passés au
pouvoir. « Prési, tes potes vivent au bled comme s’ils sont de passage / Ils
amassent des fortunes, spécialistes des braquages / Ils font preuve d’arrogance,
ils frustrent le peuple / Ils piétinent les règles et ils font ce qu’ils veulent
/ Ah prési, arrête ça, c’est ça ton travail / Ou inch’allah, je jure : un autre
fera le travail », chante-t-il.


Sa rage, ses contemporains la partagent. En août 2009, à Yaoundé, une
vingtaine de jeunes ont été arrêtés par la police pour avoir déchiré pendant un
de ses concerts une affiche géante de Paul Biya, collée sur un mur pour une
précédente manifestation. Fin 2009, Valsero insiste avec un single Répond !
visant de nouveau le président, que peu osent critiquer publiquement. « Prési
(…), je t’ai envoyé une lettre présentant les doléances de la jeunesse
camerounaise mais le temps passe, le père, et toujours pas de réponse (…) / On
veut juste vivre et se sentir mieux, ne nous ignore pas (…) / Ne transforme
pas en loups et lions des agneaux et des moutons / Elle peut faire mal, une
jeunesse qui opte pour la rébellion / Répond (…) / Mais quelle est donc ta
politique ? « 


… et d’agir
 
Depuis quelques mois, le rappeur, surnommé « Général »
par ses fans, a abandonné l’émission qu’il animait quotidiennement sur une radio
privée de Yaoundé. Il travaille désormais comme « chargé de la mobilisation » à
l’Association citoyenne de défense des intérêts collectifs (Acdic), une ONG qui,
comme lui, n’a pas peur d’élever la voix : fin 2008, elle a fait parler d’elle
en dénonçant des détournements de fonds publics au ministère de
l’Agriculture.
« Il est temps de passer à l’acte, d’arrêter d’écrire des
livres. Il faut s’attaquer de manière très précise à des problèmes spécifiques »,
dit Valsero. Il anime notamment une campagne qui réclame de meilleures
conditions de voyage dans le train reliant Yaoundé au Nord du pays, train dont
l’industriel français Vincent Bolloré est propriétaire. »Mobilisons-nous pour
faire changer la situation », disent les tracts qu’il distribue avec ses
collègues. Lui veut prouver « qu’on existe et qu’on peut avoir le contrôle de nos
vies ».


Il n’en oublie pas pour autant le rap. Autopsie, son prochain album,
autoproduit, sortira en juillet. Dans sa ligne de mire, l’élection
présidentielle de 2011 à laquelle Paul Biya pourrait bien être encore candidat :
il a fait supprimer en 2008 la limitation du nombre de mandats présidentiels, en
dépit d’un large mouvement de contestation. Valsero veut, avec ses nouveaux
textes, faire comprendre aux jeunes qu’il faut s’intéresser à la politique et
voter. « Aujourd’hui, ils sont démobilisés. Ils préfèrent boire une bière plutôt
que d’aller s’inscrire sur les listes électorales. Mais il faut leur faire
comprendre que si le Cameroun est dans la merde, c’est à eux de le sortir de là.
Dire ‘ce n’est pas de notre faute’ ne règle pas le problème », soutient-il. « Le
vote n’a peut-être pas montré son efficacité au Cameroun, mais ça ne veut pas
dire qu’il a perdu son efficacité. Il faut aller voter en masse, s’intéresser
aux résultats et réagir. Seule une participation massive peut légitimer une
action de contestation ».


Source www.rfi.fr

Leave a Response