les rappeurs français d’origine africaine : Les rappeurs français et l’Afrique: à côté de la plaque?
Les rappeurs de la diaspora n’ont de cesse de rappeler leurs racines africaines. Mais sont-ils vraiment en phase avec le continent noir?
Le deuxième album de Mokobé, Africa Forever, est sorti le 24 octobre. Quatre ans après Mon Afrique qui réunissait la crème de la musique ouest-africaine le rappeur du groupe 113 joue à nouveau à fond la carte du bled et de la double-culture.
Sur la pochette, Mokobé ouvre grand sa veste d’où s’échappe un avion vert jaune rouge «Air Mokobé». Plus bas la Tour Eiffel côtoie des symboles de l’Afrique pour le moins ruraux: des dunes de sable, une mosquée en terre et un arbre.
En 2007 le message de Mon Afrique se résumait ainsi: l’Afrique est belle, vit et s’amuse même si l’occident lui met des bâtons dans les roues. Ce cap consensuel a été maintenu sur Africa Forever si l’on en croit les premières chansons diffusées. Oulala avec la star du coupé-décalé DJ Arafat pour danser, 50 CFA pour rire en caricaturant la version africaine de 50 Cent, et Africa Forever pour songer au destin de l’Afrique :
«Ils ont jeté un voile sur notre histoire (…) Qu’ils annulent la dette d’un coup (…) Comment peut-on laisser mourir de faim le peuple somalien et toute la corne de l’Afrique pendant que le sol du continent sert de pompe à fric ?», dénonce Mokobé, décoré et hissé au rang de «Malien le plus populaire de la diaspora» par le président Amadou Toumani Touré en personne.
L’Afrique, mine d’or du rap français?
Même en parlant des Africains à la première personne du pluriel le décalage entre la perception des problèmes de l’Afrique par les rappeurs français et celle de leurs homologues africains est flagrant.
Rappeur français de parents camerounais, Lalcko se rend «tout le temps» au Cameroun. Cela lui apporte un peu de recul. Il constate sur place que «ça fait longtemps que la France en elle-même n’est plus un problème en Afrique. Un Africain qui se lève le matin avec ses soucis ne pense pas aux Français». Mais vu de France, «dès le moment où existe un «pêché originel» cela peut donner naissance à toutes les démagogies».
Dans certains de ses textes il critique autant les ex-colons que les Africains complices (Lumumba, L’argent du Vatican) mais se refuse à parler au nom des Africains:
«En tant que rappeurs français nous avons un problème avec la France mais pas en tant qu’Africains. Nous ne sommes pas les ambassadeurs de l’Afrique, ils sont capables de faire porter leurs voix.»
Dans son home-studio de Bamako recouvert de carrés de mousse, Amkoulell n’est pas surpris par la vision des rappeurs français:
«Booba a le droit d’être en décalage. Les Africains n’attendent pas des artistes français d’origine africaine qu’ils dénoncent les problèmes africains. Le combat des rappeurs français se situent à un autre niveau qui correspond aux angoisses et aux questions que peuvent se poser les gens qui les écoutent.»
Lui ne s’en prend pas à la France:
«J’ai trop de respect pour les Africains pour laisser penser qu’on n’a pas notre destin en main. Ma démarche c’est: qu’est ce que les Africains peuvent faire pour que les choses aillent mieux?»
Ce qui l’agace en revanche ce sont les rappeurs français «qui utilisent le bled comme enseigne mais ne font rien pour le pays. Quand tu prends tu donnes. Montre que ce que tu dis dans tes textes n’est pas seulement du business».
Il leur a consacré un couplet dans l’un de ses prochain rap:
«Rien que tu parles, tu parles, tu parles des jaloux / tu parles du Mali mais-mais tu t’en fous / c’est pratique pour faire du fric de parler de l’Afrique / money ! money ! money ! c’est ça ton trip / cette imposture va finir par se révéler / tout le monde verra quel gros mytho t’es / qu’as-tu déjà fait pour la jeunesse d’ici ? Moi j’ai donné toute ma vie au Mali (…)»