hello@kamermoov.com
jeudi, mars 28, 2024
News

Stanley Enow : Le Messie STANLEY sur le chemin de Golgotha?

J’ai rencontré fortuitement le rappeur Stanley Enow à deux reprises. La première c’était lors du Kamerhiphop show à l’institut Français du Cameroun à Yaoundé en 2011. Nonobstant le fait qu’il était le présentateur de la soirée, il a mis le public en ébullition avec son « when say hip hop you say mboa ». Les esprits avertis pouvaient déjà lire en lui les étincelles annonciatrices d’une nouvelle étoile du rap qui n’attendait qu’une occasion pour briller de pleins feux. Au sortir de ce show, je ne lui ai pas occulté mes sentiments. Je me rappelle aussi qu’on a beaucoup discuté de ma fameuse « lettre ouverte à Tony Nobody » celui-ci qui était jusque là son mentor.
La deuxième rencontre fortuite avec Stanley Enow était le 30 décembre 2012 à Douala. Le hasard a fait en sorte que nous nous retrouvions à la même heure et au même endroit. Cet endroit à « Ange Raphaël » c’est le bistrot dans lequel le rappeur vient se ressourcer à chaque fois qu’il sort d’une dure journée de boulot au studio m’avait t’il dit. La discussion était assez amicale, et pleines de sensations fortes. Comme vous pouvez le constater sur la photo qui accompagne cet article, je porte à mes oreilles les écouteurs qui étaient alors ceux du rappeur. Il me faisait écouter avec le plus grand des plaisirs son projet. Je peux ainsi dire que j’ai été l’un des premiers à écouter ce qui deviendra quelques mois plus tard le tube de l’année au Cameroun. Je ne vais pas cacher le fait qu’en écoutant « Hein père » de Stanley ce jour, je pouvais parier du succès énorme qu’il aurait. Je doute fort que Stanley pouvait s’y attendre lui même. Je pensais alors que ce serait un simple titre de plus à inscrire dans la playlist vieillissante et rébarbative du hip hop kamer.


Mais comme je l’ai dit, il n’a fallu que quelques mois au titre « Hein père » pour faire ce qu’aucun rappeur n’a jamais fait sous nos cieux. Le baromètre de ce succès imbattable et incommensurable n’est plus sur so clound ou sur You Tube où il n’a presque pas de concurrence, mais dans nos quartiers, nos villes, nos boutiques, nos radios, nos fêtes…toutes les couches sociales récitent chacun à son niveau et comme il le peut le titre « Hein père ». De l’enfant balbutiant au parent le plus éloquent. Chaque fois que dans un club Hein père  est joué par le Dj, celui-ci n’hésite jamais de tomber dans la tentation d’appuyer sur la touche « replay ». S’il ne le veut pas de lui même, le public va en redemander sans hésitation. Même ceux qui au départ n’aimaient pas le tube « hein père » de Stanley, se retrouvent à le marmotter, ou a l’entendre tambouriner dans leur esprit même à leur insu. On ne peut pas nier le fait qu’il y’a aussi une catégorie constituée de ceux qui sont obligés de kiffer pour ne pas afficher publiquement leur hérésie teintée de jalousie.


C’est tout ceci qui fait en sorte que plusieurs pensent à tort ou à raison que Stanley Enow est « le messie » du rap au Cameroun. L’artiste avait eu à affirmer mordicus, avec véhémence, sans fards et sans ambages qu’il est « le king de la nouvelle génération » lors du concert de Parolier de Kinshasa à Douala en juin dernier. Or sachant que nous sommes dans un  rap game où la vielle génération suffoque, pour être le king du rap en général, il suffit d’être le king de cette nouvelle génération, qui elle aussi ne vit encore que parce qu’elle est nouvelle.


Le messie n’est point un titre honorifique, mais c’est une fonction et pas n’importe laquelle. Un messie est celui là qui vient sortir un ensemble de personnes dans une situation que ceux-ci avaient longtemps jugé d’irréversible. La particularité avec les messies ce qu’il existe toujours quelqu’un qui vient aplanir leurs sentiers et annoncer leur arrivée. Mais avec Stanley, ça été un peu différent. Il est celui la même qui a annoncé et préparé son arrivée. Mais il s’apprêtait à entrer dans le rap comme un billet de banque entre dans une liasse ou comme une goutte d’eau tombe dans une mer affreuse. C’est-à-dire sans faire de bruit et sans changer grand-chose. Mais à peine entré dans le mouvement, il a été investit d’une mission messianique qui fait de lui le héraut et le héros du rap au Cameroun. Désormais il porte sur son dos une charge très lourde, une croix écrasante. derrière lui il reçoit sans cesse des imprécations, des voies de faits : crachats, injures et des coups de fouet invisibles des uns et des autres qui ne croient pas en lui, qui ne reconnaissent pas en lui le messie, qui veulent le trahir et l’offrir en sacrifice pour le beau plaisir de faire disparaitre celui qui arrive à faire ce qu’ils n’ont jamais fait depuis des décennies.
Ce contexte à la fois juteux et belliqueux à la fois nous fait avoir des doutes pour la suite de l’aventure de Stanley. Connaissant le public camerounais hypocrite et imprévisible, nous ne serons point surpris que les mêmes qui élèvent Stanley sur les hauteurs aujourd’hui lui crache dessus en l’enfouissant dans les enfers de l’oubli le lendemain. « Le traitement du passé » (qui est une méthode en sciences juridiques) nous aide à comprendre que plusieurs ont reçu des traitements de faveur royalement élogieux par le public, mais ont été surpris de l’accueil du même public les années suivantes. PC Divine, Ra Syn, Koppo, Krotal, les Géomètres, Jovi, Valsero…pour ne citer que ceux-ci. Est-ce toujours la volonté du public de les oublier pour le simple plaisir ou alors est ce la théorie de Nick B qui ne cesse de se répéter. Théorie selon laquelle « le second essai n’est jamais le bon » ? C’est la raison pour laquelle certains une fois oublié et classé, ils n’osent plus faire une seconde apparition et se contentent de se délecter dans leur passé plus ou moins glorieux.
Joseph Ngoué disait certainement avec raison que « plus haut grimpe le chimpanzé et plus grand retenti sa chute ». Le public est tout puissant, il a l’art d’élever et de rabaisser un artiste, il a ce pouvoir de le « consacrer » ou alors le « massacrer ». Et le malheur c’est que chez nous le public qui consacre finit toujours par massacrer. Les anciens ne disaient t’ils pas que « vox populi vox dei » ?, comme pour dire que « la voix du peuple c’est la voix de Dieu » ? Le public qui oint d’eau ou d’huile un artiste pour lui offrir telle mission ou tel titre, finit toujours par lui enlever cela de plus humiliante des manières. Nous pensons donc avec raison, sans grand risque de nous tromper qu’avec Stanley l’histoire risque de se répéter. Mais nous ne lui souhaitons pas cela, car il en va même de l’avenir de tout le mouvement hip hop au Cameroun. Ce milieu est trop fade, il est rempli d’une foule de rappeurs médiocres. S’il y’a des gens qui sortent du lot comme Stanley, nous devons plutôt poser nos mains sur des supports pour pouvoir mieux les garder en haut et pour assez longtemps. Ce qui est arrivé au véritable Messie finira t’il par arrivé au « messie » du rap au Cameroun? Le conduira t’on aussi sur le chemin de Golgotha?, lui donnerons nous du vinaigre au lieu de l’eau fraiche au moment même où il soupirera?, le trahirons nous, laverons nous les mains comme des bons disciples du ponce-pillatisme ? L’offrirons nous en holocauste pour après murmurer avec remords qu’ « assurément cet homme était vraiment le messie du rap au Cameroun » ?


Une chose est certaine, c’est que pour que cela n’arrive pas, Stanley doit se montrer à la hauteur de sa mission et de son talent : il doit la remplir et non la trahir. Et pour ce faire nous pensons qu’il doit rester vigilant avec ce couteau à double tranchant qu’on appelle « la célébrité », il doit rester humble, garder une attitude teintée de sagesse et de quête permanente de l’excellence. C’est en cela qu’il pourra remplir des salles de spectacles, participer à des concerts internationaux,  avoir des dizaines de milliers de vues sur internet, vendre des milliers de disques…choses qui restent étrangères à la culture hip hop au Cameroun. Il doit aussi de ce fait, proposer quelque chose d’innovant comme il vient de faire. Et ainsi nous sortir du carcan de la redondance artistique, au lieu de répéter les anciens succès des makossistes ou des rappeurs étrangers, sachant faire un savant dosage entre l’universalité du rap et les particularités locales, nous chantant un « cantique nouveau ». Stanley n’ira de ce point de vue, ni à Canossa où il subira l’humiliation, ni à Golgotha où il subira le sacrifice ultime. Mais il restera à nos yeux ce pour quoi nous l’avons oint ou alors investit.


« Depuis l’arrivée de Stanley ils disent que le rap n’était pas mieux avant ».


TATLA MBETBO FELIX (Phoefe Phénomène).
Rédacteur en Chef Kamerhiphop.com
Chroniqueur à Culturebene.com


 

Leave a Response