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samedi, octobre 5, 2024
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Aimey Bizo : « Il n’ya jamais eu une équipe nationale de rap au Cameroun… »

Tous ceux qui ont fait parti de la génération 90 ont connu ce groupe Mythique qu’est Le Star System. 20 ans plus tard, Aimey Bizo (ancien membre du groupe, NDLR), nous parle de la genèse des musiques urbaines au Cameroun, de la place qu’à occuper ce groupe, de l’équipe nationale de rap qui pour lui « n’a jamais existé »…


Bonjour Aimey, peux-tu me parler de la genèse des musiques urbaines au Cameroun ?
J’ai toujours eu un problème avec ce type d’appellations ‘’musiques urbaines’’ c’est drôle parce que j’ai souvent tendance à croire qu’elle renvoie à un genre musical écouté, apprécié et dansé que par les urbains. Et, les ruraux alors ? Ils écoutent peut être pas X Maleya ou Mozart ou encore Lady Ponce ? Et Beyoncé ? Mais bon. Pour moi la musique contemporaine qui est différente de la musique traditionnelle et urbaine comme tu dis, prends son essence juste après l’indépendance du Cameroun grâce à des Manu Dibango, Francis Bebey, mamy Anne marie qui avaient arrimé nos sons traditionnels à la tendance évolutive de l’époque par le biais des arrangements et de l’utilisation de la technologie. Cette tendance révolutionnaire s’est poursuivie avec les grands tels N. Eyoum, les Blacks styls et dans les années 90 avec Star System…aujourd’hui après les Macase, tu as les X maleya, Krotal et les autres…


En 1991 sous l’impulsion de Consty Eka, l’équipe nationale de rap avait été crée, ou MC olengué en était le capitaine et Billy Show le coach, peux tu raconter l’histoire ?
C’est une équipe qui n’a pas été bien loin dans le domaine si je ne m’abuse car : une équipe nationale de rap au Cameroun sous l’impulsion de Consty ? Non, les choses se sont passées d’une façon différente en fait, il n’y a jamais eu une équipe de ce genre au Cameroun. Consty organisait au Cameroun cette année là une tournée du groupe ivoirien R.A.S accompagné de son comparse de l’époque Junior Zogbo. L’invité camerounais à cette tournée à Yaoundé et Douala était le groupe camerounais Star System. Dans le cadre de cette tournée, les groupes musicaux devaient comme c’est de coutume, se plier aux obligations de la communication c’est ainsi que lors d’une interview à la FM 94 dans une émission, le studio est envahi par ceux qui étaient restés dans la mouvance rap parce que nous sortions de l’époque Hip Hop – Rap et Break – Smurf la tendance était à autre chose. Donc, ces amis parmi lesquels Olengué et les autres veulent en découdre avec les ivoiriens contestant avec raison notre appartenance au mouvement Rap de l’époque et imposant à l’organisation un défi. C’est ainsi que Consty va leur demander de constituer une équipe qui sera invité au cinéma le capitole pour prendre part au spectacle. Mais il y a jamais eu une équipe nationale de rap au Cameroun mais en tout cas, elle n’a pas fait long feu…


Quelle place, occupait les membres du star system ?
Star System occupait une place privilégiée de par son implication pas au mouvement rap mais à la création d’un style musical nouveau mais surtout, nous options de façon précise pour le chant, la comédie et la chanson. C’est cette nouveauté qui a été révolutionnaire, exceptionnelle et identitaire pour de nombreux jeunes de l’époque. Nous étions à la croisée des arts musicaux contemporains, un peu de rap, beaucoup de lyrique camerounais, une stylistique en danse et en comédie de scène. Ce mélange détonateur a été révolutionnaire dans le milieu musical camerounais et faisant de star system un groupe musical à part qui occupait une place particulière et je tiens tout de même à rappeler que R.A.S non plus n’était pas un groupe musical Rap…du coup, les organisateurs de l’époque donc Consty Eka faisaient appel à Star System et non à des groupes traditionnellement RAP


Vous avez passé 7 ans ensemble (1985 – 1992), tu dis quelques années plus tard je te cite « sept années d’une vie pleine, faite de hauts et des bas mais qui sont restées encrées très certainement dans une mémoire collective… », Aujourd’hui éprouves tu de la nostalgie ?
Mon sentiment propre est partagé entre la fureur de n’avoir pas été loin dans la réalisation d’un rêve qui devenait réalité et du bonheur d’avoir été percuteur d’un mouvement musical qui a permis à toute une génération mais au delà, à d’autres générations de se retrouver autour d’une identité musical particulière. Encore aujourd’hui, j’ai plaisir à écouter ces sons nouveaux, ce style toujours innovant dans la création artistique


1992 marque une année déterminante pour le groupe, vous êtes produit par M. Alex (Ariza) et bizarrement c’est la même année, que vous décidez de vous séparer, ou si j’emploie tes propres termes « le groupe sera plus ou moins ensemble » ?
Alex Edo’o Edo’o avait vu les choses en grand dans son projet de production phonographique. Il avait fait des efforts de permettre au groupe de s’entourer d’une équipe dite professionnelle :’’manager et directeur artistique’’ le problème est que le projet était mal engagé depuis le départ par des actions inexpliquées à certains par ceux du groupe qui prenaient ces décisions et qui par la suite, étaient plutôt ressenties à juste titre comme des trahisons. Or, c’est le propre des groupes mais qu’il faut vraiment éviter car une vie en société demande du partage, de la sincérité et surtout  du respect des engagements des uns vis à vis des autres… Le but des membres était de sortir un album ? Non ! Lorsqu’il avait été constaté et réalisé par nous, surtout ceux qui formaient l’ossature du groupe que les choses évoluaient positivement vers le sens de la mise en place d’une carrière plus professionnelle, nous nous sommes mis à y croire. Le but était donc d’engager une carrière étalée sur le long terme enfin, en ce qui personnellement me concerne mais je laisse le soin aux autres de mentionner un jour ce qui avait été leur motivation or, il m’a semblé comprendre que tous par la suite voulions nous lancer dans cette même voie. Les décisions des uns ont du coup fait mal au groupe. Dommage.


En 1995, star system devient war system, à ton avis pourquoi ça n’a pas marché ?
Généralement quand les choses ne marchent pas, du moins en économie, il est souvent recommandé de faire un feed back, d’établir les responsabilités et d’analyser les forces or, du fait de notre naïveté, de notre jeunesse et du manque d’encadrement, cette démarche n’a pas pu avoir cours chez star system. Nous étions un groupe jeune, sans expérience aucune dans aucun domaine, juste de jeunes élèves. Nous n’étions pas encadrés avant l’arrivée de M. Edoo donc de la sortie de l’album juste un peu avant notre séparation mais encore, cet encadrement s’il n’a pas été à l’origine de la cassure, a causé par la suite beaucoup de tords dans la gestion du groupe. Il y a eu le culte des ego, très peu de maturité, les maux qui minent toute une vie en société et hélas par la suite, plus moyen de recoller les morceaux donc, le clash inévitable…


Qu’est ce qui s’est passé ?
Des trahisons, des coups et voilà…pas plus de commentaires n’est ce pas …hahahahah


Aujourd’hui la majorité d’entre vous vivent en occident, alors avez-vous des projets pour vos jeunes petits frères au bled ?
Pour ce qui me concerne. Oui j’ai toujours eu une très grande envie de me réinvestir au pays, apporter à mes jeunes frères et sœurs ma modeste expérience


Tu souhaites rentrer bientôt au pays pour mettre en place certains de tes projets. « Le bientôt là » c’est quand ?
Hummm ce n’est pas évident à définir le ‘’bientôt’’ mon cher Idrissou (idy) car vois tu, rentrer au pays nécessite une réflexion importante. Je ne fais pas de politique politicienne mais, il existe comme une espèce de stèle au dessus de nos têtes, pour ceux qui vivent hors du pays mais qui ont ce projet de retour, ce mystérieux nuage qui renvoie toujours à la ‘’réflexion’’ lorsque tu prends un avis chez ceux sont rentrés ou même tes proches. C’est comme une espèce de découragement, comme une espèce de ‘’oui mais bon, réfléchit encore un peu’’ et en plus, dans mon domaine qui est celui de la production de spectacles, de l’organisation des tournées et des spectacles, il manque cruellement tout. Pas de dispositions juridiques pour cela, pas d’infrastructures me permettant de le faire. Je ne viendrais pas implanter au Cameroun une entreprise privée pour faire tournée un artiste uniquement à Yaoundé et à Douala. Je ne suis pas une entreprise brassicole ou téléphonique mais un particulier…


Ne pensez-vous pas rééditer Djé Dance, cet album qui a marqué toute une génération ?
Dans le cadre de mes activités actuelles, particulièrement dans celui de la production phonographique, je compte en effet rééditer l’album Djé Dance qui sera interprété par certains artistes interprètes avec de nouveaux arrangements mais surtout, un projet. Je pense par exemple à associer certains à l’instar de Krotal, de X Maleya ou d’Alima ou même d’autres artistes de la jeune génération qui ont d’excellentes conditions vocales et qui chanteront en duo avec certains artistes européens avec lesquels je bosse. Je verrais avec ces artistes le moment venu s’ils seront aptes à relever le défi. Donc, oui j’y compte bien mais just wait and see


Il parait que tu prépares la sortie de ton livre, de quoi parle t il ?
Je suis en effet dans un projet littéraire mais qui reste fortement encré dans le domaine du spectacle vivant. C’est un manuel pratique, technique et professionnel qui est édité par les Editions ACORIA en France. Ce manuel qui est le premier d’une longue série dans le domaine du spectacle vivant, parle de façon précise et directe de la création d’une entreprise commerciale et privée qui sera par la suite spécialisée dans un domaine du spectacle vivant : production de phono, production de spectacles, organisation de spectacles ou des tournées, des obligations fiscales, sociales, des différentes taxes et des droits dans le spectacle et même des contrats en cours dans ce milieu. Bref, c’est un manuel pratique pour tous ceux qui sont dans le domaine du spectacle ‘’danse, chanson, théâtre’’. Sa sortie officielle est prévue cette fin de semaine à Paris en France


Aujourd’hui que penses tu de la nouvelle génération des hip hoppeurs du bled ?
J’ai beaucoup de respects pour toute œuvre musicale et simplement artistique or, la nouvelle génération propose des musiques de qualité que je me plais toujours à écouter. Tenez, ma fille Pascale Bizo me dispute toujours lorsqu’elle me trouve entrain d’écouter ‘’je te Ndolo’’ pardon, je ne connais pas vraiment le nom de ce son mais qui est de X Maleya ou danser du ‘’Kopo’’ c’est dire. J’aime beaucoup l’offre actuelle des hip hoppeurs camerounais et c’est simplement dommage que le marché et l’environnement de la musique au Cameroun ne permettre pas qu’ils s’épanouissent comme ceux  de leurs collègues qui excellent dans certains pays d’europe. Je n’ai pas envie de dire que la malédiction est africaine avec des dirigeants qui ne mettent rien en place pour ce développement social mais j’ai bon espoir de voir les choses changer. Mais par contre, je suis un gros consommateur de la musique traditionnelle et religieuse du Cameroun.

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