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vendredi, septembre 20, 2024
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Marie-Agnès ‘mab’ BEAU (Afrolution) : « Le hip hop africain est original… »

Le hip hop africain prend davantage de l’ampleur et s’impose chaque jour un peu plus à travers le monde car il a « un vrai message, une couleur et une sonorité originale » déclare Marie Agnès ‘mab’ BEAU. Cette femme dotée d’un dynamisme d’un autre genre est promotrice du site afrolution.com qui a lancé depuis le 20 juin 2010 le deuxième de la compilation Afrolution vol 2. Rencontre avec une spécialiste et passionnée de hip hop africain.


Bonjour MAB. Peux-tu présenter à nos internautes la compilation Afrolution Vol 2 sorti le 20 juin dernier ?
Bonjour Ebah. Merci d’abord du tres bel accueil fait sur Kamerhiphop.com, où la compilation est vraiment bien présentée. Vous avez su valoriser l’aspect social et identitaire qui nous importe le plus dans ce mouvement. Le Hip Hop Africain n’est pas seulement la somme de différentes scènes locales, c’est un mouvement de fond, global, qui utilise toutes les forces en présence pour se développer et surtout faire bouger la société africaine contemporaine vers plus de justice, d’éducation et si possible moins de corruption !  Voici donc 16 superbes titres de styles variés, moitié francophones, moitié anglophones de 13 pays africains différents, certains artistes de la diaspora, tous impliqués dans un ‘activisme musical’ comme dit Awadi.


Nous nous réjouissons de la réaction des media en France et en GB (sans enveloppe sous la table ni pub, juste quelques bons contacts), et sur les sites spécialisés, et nous n’en sommes qu’au tout début !!  


Comment est née l’idée de cette compile ?
Une première compilation – disponible sur le site – est sortie en 2006 avec un DVD pour lancer le site Afrolution.com, qui n’existait alors qu’en anglais. C’était plus une carte de visite (comme tous les CDs de nos jours qui ne se vendent presque plus et sont si difficile à distribuer), mais Les réactions ont été si bonnes que ca nous a encouragé ! Et puis, notamment grâce à notre forum ‘community’ sur le site, nous avons vu arriver d’excellentes chansons que nous voulions faire découvrir au plus grand nombre. Personnellement, je suis tellement fière de voir comment les anglophones s’ébahissent devant la qualité des artistes francophones que c’était une vraie joie de faire découvrir ces œuvres à mes collègues ! Le seul problème est qu’ils ne comprennent pas le message…


Quel est l’objectif recherché à travers ce projet musical ?
Montrer la qualité et la diversité du hip hop africain, faire découvrir des artistes francophones aux anglophones et vice versa, montrer l’engagement social des artistes africains. Promouvoir auprès des media et des ‘trend setters’, DJ et autres pour que le monde entier découvre et apprécie le Hip Hop Africain.


Comment ont été sélectionnés les artistes ayant pris part au projet ?
En fonction de nos coups de cœur et de l’engagement des artistes, ou de leur réactivité !  Nous voulions des morceaux qui aient une véritable identité, surtout pas de pâles copies du hiphop français ou américain !


Quels sont les motifs qui vous poussent à penser que le hip hop africain est performant aujourd’hui et qu’il soit commercialisable à l’international ?
Parce qu’il a un vrai message, une couleur et une sonorité originale et que les oreilles occidentales s’ouvrent beaucoup grâce à internet.  Les moyens de production basiques permettent de rivaliser avec les meilleurs studios occidentaux, à condition d’un énorme travail bien sur. Surtout, internet permet de partager, communiquer et promouvoir ! C’est ca qui fait aussi la grosse différence. De là à ce que ça vende et soit rentable, on n’a encore du chemin à faire… mais il faut bien commencer quelque part. Avec cette compilation, on a au moins des opérations promotionnelles dans plusieurs media de référence en France et en Angleterre – sans compter les sites specialises – qui vont permettre à cette musique de commencer à sortir du ghetto.
Je pense aussi que l’esprit de solidarité va aider les artistes à se tenir les coudes, s’échanger des tuyaux et avancer ensemble plutôt que de se tirer dessus comme font les ricains.


Si des atouts existent, quels sont cependant les manquements qui caractérisent encore de nos jours le hip hop africain ?
Beaucoup de rappeurs africains veulent d’abord copier les européens et les américains, et c’est naturel dans un premier temps. Comme le dit Olivier Cachin, la copie ne pourra jamais rivaliser avec l’original. Mais votre originalité est un plus énorme, car vous avez des qualités vocales, musicales, rythmiques etc… Qui nous manquent beaucoup.  PLUS D’AUTHENTICITE, c’est la règle du milieu hip hop n’est ce pas ?  Moins de formalisme par rapport aux références habituelles. Je dirais que les meilleurs sont ceux qui se lâchent le plus et travaillent le plus !!!


Gros problème financier de la circulation des artistes, des visas, énorme problème de la gestion des droits en Afrique qui handicapent l’économie de la musique…


Et puis il y a des différences culturelles importantes qui ne sont pas des manquements mais qui handicapent l’appréciation, notamment vos sons de synthés que nos oreilles de toubab trouvent complètement dépassés par exemple… (Désolée mais c’est la vérité).  Nous concevons qu’ils fassent partie intégrante de votre son hip hop, mais pour nous ils cachent les bijoux que sont vos instruments traditionnels, et notamment les percussions.  Donc ca va prendre encore un peu de temps pour arriver à des sons qui plaisent à tous. 


Quelles solutions à votre avis pour un réel décollage véritable du hip hop africain ?
D’abord l’engagement d’artistes et media internationaux – notamment ceux de la diaspora – pour faire connaitre les meilleurs artistes africains.  Mais avant de leur tendre la main, faites vos preuves sur votre terrain et utilisez la diaspora. Des collaborations entre anglophones et francophones.


Un effort de professionnalisation des managers et surtout une édition musicale en Afrique digne de ce nom. Quelques publicités, musiques de film, génériques télés, jeux vidéo avec vos musiques pourraient faire exploser quelques artistes, et tout au moins en faire vivre un certain nombre.


La compile est disponible par téléchargement. Mais internet n’est pas accessible à tous en Afrique. Comment faire donc pour se procurer le cd sur le continent ?
Bonne question, gros problème ! Nous voulons offrir des titres individuels gratuits en téléchargement. Est-ce que par exemple vous pouvez faire ca sur le site ? ca ne devrait pas être très compliqué ! Je ne suis pas une spécialiste mais je vous propose Ebah que nous en discutions. Je te propose le titre des togolais Djanta Kan dont la technique vocale est hallucinante et nous rappelle que le rap pourrait bien venir d’Afrique, et celui du collectif Aura. Réfléchissons à une meilleure technique pour éviter que ce soit trop lourd à télécharger.


Nous aimerions avoir les moyens d’organiser des distributions physiques sur les territoires, mais ne pouvons investir et ne connaissons pas les professionnels locaux.


Si quelqu’un est prêt à investir sur la fabrication et nous donne des garanties de non piraterie, nous sommes ouverts à toute négociation ! Nous souhaiterions aussi pouvoir faire des deals avec des operateurs de téléphonie mobile qui souhaiteraient offrir notre compil a ses abonnes en échange de quelques sous pour les artistes. Alors si vous en connaissez, n’hésitez pas à le leur dire!!! Notre rêve serait de trouver un operateur qui permettrait de télécharger la musique sur le téléphone avec la carte téléphonique, pour un prix modique. Et que la même carte permette à l’artiste de toucher ses sous aussi ! Les choses sont tellement rapides dans ce domaine que ca risque d’arriver plus vite que prévu.


Aujourd’hui à l’heure du numérique et des nouvelles technologies, comment le mouvement hip hop africain peut-il tiré profit ?
Déjà la promotion par le net est possible même si elle est encore chère et difficile. Mais ca va évoluer rapidement. Cependant il faut que les artistes se bougent et n’attendent pas qu’on le fasse à leur place. D’autre part, il faut bosser pour que la diaspora achète en téléchargement !  C’est elle qui fera votre promo et pourra déjà vous faire gagner un peu de sous. C’est elle qui aura les contacts et conseils à l’international. Malheureusement, j’en vois beaucoup aussi qui se contentent d’exploiter la situation sans solidarité pour leurs frères restés au pays. Alors attention !!!


Quelques mots sur la structure productrice de la compile et les partenaires…
Afrolution est juste un site de promotion et nous sommes 2 personnes à travailler dessus, quand nous pouvons… Si un jour nous gagnons quelques sous, ce sera pour les artistes et pour le site. Nous faisons ca complètement bénévolement, c’est aussi un handicap…


Connaissez-vous le hiphop camerounais ?
Pas bien car je ne suis pas allée au Cameroun depuis au moins 15 ou 20 ans… nous sommes tres fans de Negrissim, musique, textes, humanisme… je connais quelques artistes camerounais qui vivent au Gabon comme Pacificator que j’apprécie beaucoup. J’en découvre d’autres sur le site mais devrait y passer plus de temps.


Que pensez-vous de kamerhiphop.com ?
Excellent, tout y est, les infos variées et complètes sur toutes sortes d’artistes sans discrimination, l’ouverture vers l’extérieur, une radio, un réseau ! Ca bouge ! Bravo !  J’aimerais pouvoir en faire autant sur Afrolution…


A quand le prochain volume et comment faire pour y figurer ?
Aucune idée pour la date ! Je suggère aux artistes de mettre des sons sur la page community et surtout de travailler à la fois les textes, la musique et leur réseau. Si on entend parler de vous de plusieurs cotes, la on saura que c’est de la balle…


Un contact, un référencement pour les artistes ou les structures intéressées ?
N’hésitez pas à poster des infos sur la page Facebook Afrolution, meilleur moyen de vous promouvoir tout en nous tenant au courant, et surtout www.afrolution.com  et sa page community (ca vous fera travailler votre anglais de base…).


Un dernier conseil à l’endroit des artistes, labels, managers…
Bossez, bossez, bossez ! Construire un réseau solide à partir de votre base, en étant ambitieux mais sans jamais snober ceux qui ont été là au début. Ce sont vos meilleurs outils de promo et les contacts sont votre patrimoine de travail !  Connaissez vos droits, formez vous, informez vous, travaillez en collaboration pour vous échanger des tuyaux et des contacts. Utilisez le web au mieux que vous pouvez. Approchez vous d’autres organisations qui ont besoin de communiquer auprès de votre public et pourraient vous servir de sponsor. Allez voir www.africori.com (ce sera bientôt en français…) qui est à mon avis la solution pour vendre et promouvoir la musique africaine.

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