Le 13 septembre 1996, Tupac Amaru Shakur mourrait assassiné à Las Vegas. Aujourd’hui, son rap inspire encore de nombreux artistes, de Gucci Mane à Kendrick Lamar, en passant par Rohff et Kery James.
Le 13 septembre 1996, Tupac Shakur meurt à Las Vegas. Vingt ans plus tard, il inspire une nouvelle génération de rappeurs partout dans le monde, son bandana orne des endroits improbables et son hologramme a donné un concert. «Il a marqué son temps. Il est sans conteste le plus grand rappeur du monde. Tous les astres étaient alignés pour cet artiste hors-norme. Il a eu une vie courte, intense et tragique. Son discours était quasi prophétique» résume à Libération Mehdi Maizi, auteur du livre Rap français : une exploration en 100 albums (ed. Le Mot et le Reste). Tupac, le météore tragique, s’engageait activement contre les problèmes qui frappaient, et frappent encore, la communauté noire. Il faut dire qu’il était à bonne école, sa mère Afeni qui était enceinte de lui en prison, avait participé activement au mouvement des Black Panthers et choisi son prénom en hommage à un révolutionnaire péruvien. Son fils lui dédiera la chanson Dear Mama. L’héritage de 2Pac est aujourd’hui considérable.
«L’angoisse existentielle des opprimés»
Dans le rap français les références à la superstar californienne pleuvent. Elles vont de Rohff (pochette de l’album Code de l’horreur), à Kery James (Thug Life) en passant par Damso (le nouveau protégé de Booba) à des rappeurs moins médiatiques comme Aelpéacha ou encore Alpha 5.20 et son album Vivre et Mourir à Dakar, inspiré de la chanson To Live And Die In L.A. De l’Afrique en passant par le Moyen-Orient, l’influence du chanteur à l’emblématique bandana noué sur le front ne se dément pas. «Plus que tout, il incarnait l’angoisse existentielle des gens opprimés, des pauvres, de ceux qui se sentaient marginalisés», avance le rappeur Khaled M., par ailleurs fils de dissidents libyens.
Aux Etats-Unis, les différentes générations de rappeurs lui rendent hommage à travers la musique. Le couple le plus glamour du hip-hop, Jay-Z et Beyoncé ont repris sa chanson Bonnie & Clyde. Plus récemment Gucci Mane a sorti l’album Everybody Looking, référence à All Eyez On Me, sorti l’année de la mort de Tupac. «Sur la scène rap de la côte ouest américaine toute la nouvelle génération se réclame de lui ! Il y a Vince Staples, né en 1993, avec son rap très drôle et engagé. YG, 26 ans, est l’autre star montante du rap californien. Il s’approprie le mythe de 2Pac après s’être fait tirer dessus en studio avec le son Who Shot Me», dit Mehdi Maizi. Le rappeur à la gueule d’ange avait en effet été la cible de cinq coups de feu dans le hall des studios Quad à New York en 1994, prélude d’une période sombre sur le rap américain.
Le 7 septembre 1996, Tupac Shakur est blessé de plusieurs balles à un angle de rues de Las Vegas. Il succombe six jours plus tard dans un hôpital de la ville. En 2002, le Los Angeles Times avait conclu après une enquête controversée qu’il était tombé sous les balles des Crips, l’un des deux grands gangs de Los Angeles. Sa mort, à seulement 25 ans, s’est produite au plus fort de la rivalité entre rappeurs de la côte Ouest, dont il était le porte-drapeau, et ceux de la côte Est. Leur héraut, Notorious B.I.G, sera abattu six mois après Shakur. Loin des deux premiers albums solo 2 Pacalypse Now (1991) et Strictly 4 My N.I.G.G.A.Z. (1993) où il se situait entre Public Enemy et Ice Cube, le fils de militant afro-américain prend un virage plus rude à partir de 1995.
Un hologramme en concert
Me Against the World est devenu le premier album en tête du hit-parade aux Etats-Unis dont l’auteur était en prison. Shakur y purgeait une peine pour agression sexuelle. Pourtant, il avait débuté en 1990 comme danseur pour le sensuel groupe Digital Underground et avait été l’un des rares rappeurs à ouvertement condamner les violences faites aux femmes. Celui que l’on surnomme Makaveli n’était pas à une contradiction près. Par son côté militant écorché vif, il incarnait à lui seul deux courants du rap «conscient» et «hardcore» dont les musiciens essaient encore de se défaire aujourd’hui. Son inspiration n’a pas toujours été positive donc. Pendant la guerre civile qui a déchiré la Sierra Leone, les rebelles portaient des T-shirts à l’effigie de Tupac. «Hit ‘Em Up» -ode à la violence- était leur chant de guerre (comme dans le film Blood Diamond.) Cette ambivalence entre le ying et yang, guerre et paix, chaos et harmonie fait de Tupac Amaru Shakur la figure tutélaire du rap moderne. Les débats qu’il soulevait à l’époque sont encore d’actualité : musique violente contre musique pour ce qu’il appelait «un éveil communautaire».
Le mystère de sa mort n’ayant toujours pas été totalement levé, certains laissent encore libre cours à leur imagination. Comme Elvis, Tupac Shakur est régulièrement «aperçu» vivant. L’un des moments les plus bizarres de la «vie posthume» de Tupac a sans doute été son apparition sur scène au festival de Coachella en 2012. Il a donné un concert sous forme d’hologramme, une image produite avec un laser. En 2015, le rappeur prodige de Los Angeles Kendrick Lamar a ressuscité le rappeur au bandana rouge le temps d’un morceau de douze minutes pour dialoguer avec lui sur les damnés de la terre dans la chanson Mortal Man, qui clôt l’album To Pimp a Butterfly… Histoire de faire revivre, de nouveau, 2Pac, que Kendrick Lamar a croisé sur le tournage du clip du désormais classique West Coast California Love remix, réalisé dans les rues de son quartier de Compton, Californie.
Balla Fofana