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Sultan Oshimihn : « Je représente l’enchevêtrement entre reggae, rasta et hip hop »

Yaoundé, 19 Novembre 2007. En cette saison de pluies qui jouent les prolongations, les gens vont et viennent. Malgré les caprices du ciel (des averses par moment) les habitants de Yaoundé (les Yaoundéens si vous préférez) continuent leurs activités quotidiennes.
Ce 19 Novembre au soir, il faisait beau au quartier Nsimeyong : pas de pluie, juste un vent glacial. A ma descente du Taxi (j’ai accusé un léger retard causé par un embouteillage du coté d’Olezoa, un quartier de Yaoundé), Sultan Oshimihn impatient m’attendait déjà. « ça fait une heure que je t’attends me dit il d’un ton calme et amical. Allons nous asseoir dans ce bar et réaliser tranquillement notre interview poursuit t il. ». vêtu d’un tee shirt vert olive sur le quel était floqué l’image de HO CHI MINH 1890 – 1969 (HO CHI MINH 1890 – 1969, homme politique vietnamien, il mena la lutte contre la France jusqu’à la défaite française du Dien Bien Phu en 1954, ndrl), nous nous asseyons et commençons l’interview. Des coups de fileet visite (celle de Tony Nobody accompagné de Pipiyou et Shy Fx) ont quelque peu perturber notre entretien (sans gravité).
Celui que beaucoup considère comme « agité, survolté, révolté » était calme, posé et sur de ses propos. Comme on pouvait s’y attendre, Il s’est montré très à l’aise sur des sujets qui « fâchent » : son acharnement contre Babylone qu’il qualifie de « égoïste, vaniteux, vicieux, hypocrite… », son admiration à l’égard des leaders de l’ADDEC  qui « m’ont inspiré à faire le morceau quelle école. » reconnaît il.


A propos de ses prises de positions qui empêchent les organisateurs de spectacles et autres festivaliers de le programmer, il relativise et « espère qu’ au moment de l’explosion finale, que les enfants de ceux là seront en sécurité… ».
Rastafarien (adepte de ras tafari) pur et dur, il se bat au quotidien pour représenter Hailé Selassié 1er. Pour lui « c’est la reconnaissance de l’Afrique et je crois en lui… C’est par lui que passe la prise de conscience de la jeunesse africaine en générale et camerounaise en particulier » ajoute t il.  Nous espérons qu’il connaitra une fin plus heureuse que celle de son gourou…


kamerhiphop.com : Bonjour Sultan, j’ai du mal à te définir : tu te qualifierais plus d’artiste hip hop ou reggae ?
Sultan Oshimihn : Je suis un artiste reggae. Sinon j’ai débuté par le rap, à l’époque je me faisais appeler Bazor (son premier nom d’artiste, ndrl). Le tout premier groupe au quel j’ai fait partie est un groupe de rap que j’ai malheureusement quitté en 1998. la plus part de mes amis sont dans le rap. La plus part des scènes ou mon reggae s’est exprimé sont des scènes hip hop. Donc logiquement, Je dois me sentir hip hop car c’est quelque chose que je vis, c’est une part qui est en moi que je ne peux ignorer. Le rap tel que nous le connaissons aujourd’hui a une influence ragga qui vient de la Jamaïque. Le 1er DJ aux Etats-Unis était venu de la Jamaïque, il s’appelait DJ Cool Herk. Il y’a un enchevêtrement entre le reggae, le rasta et le hip hop et c’est cet enchevêtrement que je représente. Coconogo et Garçon feat Pablo Master (ndrl, 2 morceaux de son album The Birth of Fire) sont des morceaux ragga hip hop. D’ailleurs Les gens avec qui je bosse sont hip hop (DJ Panebo, DJ Str’ss et Bobby Shamann).


Le Sultan calme qu’on avait connu en 2002 avec Zomloa Familia (dans la compile Zomloa Familia au pays de kush) semble avoir fait place à un sultan militant… qu’est ce qui a provoqué cette métamorphose ?
Dés mon enfance, j’avais déjà un caractère revendicateur. Dans zomloa, j’étais déjà engagé mais je faisais du ragga hip hop. Je crois que les morceaux engagés que j’ai chanté dans ce label ne sont malheureusement pas sortis. Il y’a aussi ma rencontre avec le rastafarisme qui m’a donné un autre angle, une autre vision. J’estime que revendiquer c’est facile mais ce n’est pas cela qui heurtera le système. C’est ce que j’essaye d’exprimer dans The Birth of Fire et cela ne pouvait pas se faire dans zomloa, d’où la naissance de Red Zone avec mon pote Bobby Shamann.


On a l’impression que chaque « Sultan Oshimihn Show » se transforme en meeting… comment tu fais pour avoir toute cette jeunesse à tes cotés ?
C’est tout à fait simple. C’est ce qu’on parle depuis le début. Je pense et c’est mon avis, on ne peut pas seulement toucher les gens par une revendication physique. Je m’explique : qu’est ce que j’entends par revendication physique ? nous savons que le système crée l’injustice. C’est clair qu’un jeune diplômé veut du travail, que les gens ont besoin de sécurité, qu’on ne peut pas limiter le combat pour stimuler l’exaltation au bien être matériel. Comme disait mon pote Akim «  face à l’adversité du système, il faut riposter avec la force de l’âme.». Il y’a le mystique rasta qui est propre à l’Afrique, qui vit en chacun des africains que je ne fais que révéler par mon discours sur scène d’où la pertinence et la reconnaissance des jeunes à ce message. Qu’il soit conscient ou inconscient, ça se révèle. 


Quand tu dis sur scène « burn Babylone », pour toi c’est qui Babylone ?
Babylone, c’est le mauvais esprit. C’est l’esprit vaniteux, égoïste, vicieux, hypocrite, jaloux, Kongossa ; C’est tout cela Babylone. Si tu veux, Babylone, c’est ce que le système représente. J’ai vu des Babyloniens dans le ghetto et j’ai vu des rastas au gouvernement.
Je peux aussi définir Babylone par exemple dans le cadre de l’exploitation de l’Afrique par la France mais ça ne veut pas dire que je déteste tous les petits français qui vivent dans des HLM (Habitation à loyer modéré, immeuble construit sous l’impulsion des pouvoirs donc les logements sont destinés aux familles à revenus modestes, ndrl) ou ailleurs. Je vois Babylone dans le gouvernement de mon pays qui est à la solde de la France, qui oblige les jeunes à devenir des homos, qui volent l’argent de l’Etat pour les mettre dans des comptes en Suisse.
Je vois Babylone en ce jeune qui agresse une mater qui sort de la tontine et la tue.


Tu dis dans « quelle école » « maximum de respect pour les gars de l’ADDEC », tu traînes avec les responsables de cette association. N’as-tu pas peur d’être considéré comme PNG c’est-à-dire Personna Non Grata ?
Tu sais, j’ai été étudiant. Je connais les difficultés, les déboires, les souffrances, les galères des jeunes étudiants camerounais. Pour être franc, j’ai été pris d’admiration par le courage des membres de l’ADDEC (ndrl, Association des droits de défense des étudiants camerounais). Ils ont fait une grève pacifique, non violente. Comme Gandhi, ils ont fait une grève de la faim pour signifier leur mécontentement et le caractère non violent de leur action. Ils n’étaient pas là pour casser et je doute fort qu’ils étaient à la solde d’un parti politique quelconque.
J’estime à mon humble avis qu’une jeunesse consciente compte tenu de la situation conjoncturelle que nous vivons en ce moment devrait pouvoir exprimer son malaise et œuvrer pour l’évolution. C’est ce que j’ai vu en l’ADDEC. Et c’est eux qui m’ont donné l’inspiration pour le son « quelle école », j’en ai profité de la situation pour parler de l’école primaire jusqu’à l’université.


Il parait qu’à cause de tes prises de positions, beaucoup de festivaliers et organisateurs de spectacles ont peur de te programmer ?
Malheureusement c’est tout à fait cela, C’est la triste réalité. Aujourd’hui, ils essayent de me museler, ils essayent de m’empêcher de parler aux jeunes de mon pays, de parler à mes petits frères de la réalité du bled qui les attend. Ils me prennent pour ennemi, mais ils ignorent que je suis leur voix de sortie.
Que les intérêts égoïstes et vicieux continuent  de les guider, qu’ils oublient l’amour, qu’ils oublient le partage, qu’ils continuent à enrager les jeunes du ghetto. Mais au moment de l’explosion finale, je l’espère que leurs enfants seront en sécurité. J’espère que leurs enfants diront « je suis le fils de tel… ». I AND I (il parle du jah) m’inspire et me demande de donner le message d’unité, de paix, de travail et d’instinct patriotique dans l’amour et le respect. Que ceux qui ont les oreilles pour entendre entendent, que ceux qui ont les yeux pour voir voient et ils verront.


Ça fait un an et demi que ton album « The Birth of Fire » est dans les bacs. Quel bilan fais tu ?
Je crois que le bilan est positif. Aujourd’hui, il y’a une certaine reconnaissance des jeunes à mon égard. Aujourd’hui sur scène quand je chante, les jeunes chantent également avec moi. certains m’abordent dans la rue et me disent : « Sultan, on sait que tu t’es sacrifié pour nous, tient bon le ciel te regarde. Si tu nous lâches, nous sommes finis… »


En parcourant ton album, il y’a un nom qui revient : Hailé Selassié. Alors que représente t il pour toi ?
Hailé Selassié 1er (empereur d’Ethiopie de 1930 à 1974. de son vrai nom Ras Tafari Makonen, il fut proclamé Négus en 1928 et devient empereur en 1930 sous le nom de Hailé Selassié 1er. il a été renversé par l’armée en 1974, ndrl) c’est la reconnaissance de l’Afrique et je crois en lui. je me bats au quotidien pour le représenter. C’est par lui que passe la prise de conscience de la jeunesse africaine en générale et camerounaise en particulier. Celui qui détient le bâton de commandement et le sceau de l’alliance.


Ton son Blow a reçu au canal d’or 2006 le prix du meilleur vidéogramme camerounais tout rythme confondu. Un commentaire ?
Je ne peux qu’ avoir des remerciements à l’encontre de celui qui a fait le clip (Bobby Shamann, boss du label Red Zone, ndrl). A ceux qui ont porté ce clip sur les chaînes de télé camerounaise (Tony Nobody sur canal2 international, Tito sur STV), je leur dis big up. Au public camerounais qui m’a voté, je lui dis merci du fond du cœur. A vous kamerhiphop, le seul média qui me donne l’occasion de me faire connaître à l’international, je vous dis merci et good bless.


Tu fais partie de la vielle garde du mouvement hip hop au bled. Alors quelle différence fais tu entre le hip hop des années 90 et celui d’aujourd’hui ? selon toi, a-t-il évolué ou régressé ?
Il a beaucoup évolué. Nous sommes quittés de Christian Nguini et autre Botchinder (de 1990 à 1998) aux studios Mapane Records (big respect à toi Luis Tsoungui), Zomloa Records (big respect à toi DJ Bilik), Darkcell Records (big respect à toi Str’ss).
Aujourd’hui nous avons So Sound (big respect à toi DJ René Kool), Red Zone (big respect à toi Shamann), ils sont nombreux.
Nous avons des émissions télé : Mboa sur canal2 (big respect à toi Tony Nobody), The Break sur STV avec Tito. Que ceux donc j’ai oublié de citer les noms m’en excuse.
Aujourd’hui le hip hop kamer est représenté sur la toile grâce à kamerhiphop.com….


La 6e édition des CAMERHHA (Cameroon Hip hop Awards) se tiendra le mois prochain. Un commentaire ?
Le seul commentaire que je pourrais faire, ce que ça se passe dans l’objectivité et le respect car ce sont les valeurs aux quelles je crois. J’espère que Damon William est mêlé à l’organisation de l’événement. Je sais qu’il y’a beaucoup de problèmes autour de cet événement mais j’espère que les organisateurs nationaux que je connais très bien ont exorcisé leurs démons et feront place à la force de l’âme comme fondation dans tout ce qu’on veut bâtir. Je suis content d’être nominé et j’espère qu’ils ne me rendront pas mécontent…


Tu viens de faire un mortel feat avec krotal, comment s’est faite la rencontre ? c’est toi qui a voulu participer dans son album ou c’est lui qui t’a fait appel ?
Artistiquement, pour moi Krotal est un grand et le reste s’est fait sur le feeling. Il a senti que je devais intervenir dans son maxi. Il m’a proposé l’instru, l’écriture et la prise de voix ont été faite en deux heures. C’est un pur feu que le public adore déjà.
J’ai également participé dans l’album de mon petit frère Parol, je kiffe bien ce qu’il fait. C’est un pur produit de l’école de Nlongkak. Nous avons fait le remix de « Appel moi Parol » avec Reezbo d’AK Sang Grave, l’international de football camerounais Jean II Makoun (milieu de terrain de l’équipe nationale de football et de Lille ndrl) et DJ Panebo. Ça a été un plaisir de bosser avec Mapane Records compte tenu du concret donc fait preuve Luis Tsoungui (le boss de la structure, ndrl).


Un contact pour tes nombreux fans ?
Ils peuvent m’écrire à l’adresse mail :
sultosh2006@yahoo.fr. je réponds au numéro de téléphone (237) 99 56 70 72.


Ton mot de fin ?
Je respecte les chinois qui croient en Bouddha. Je respecte l’occident et Jésus. Je respecte le moyen Orient et Mohammed. Je respecte l’Inde et son bœuf…
Je voudrai qu’on respecte l’Afrique et sa majesté Hailé Selaasié. Comme l’a prédit le célèbre poète Aimé Césaire, le monde c’est  « le rendez vous du donner et du recevoir ».

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