Hans Mbong : « Je ne gère pas l’argent aux Couleurs Urbaines… »
Directeur du festival couleurs urbaines, Hans Mbong fait le bilan des 3 premières éditions, il parle également des cinquantaines de l’indépendance du Cameroun, des 20 ans des cultures urbaines camerounaises qu’il compte organiser, de la 4e édition du festival… interview exclusive
Bonjour Hans, quel bilan fais tu des trois premières éditions du festival couleurs urbaines ?
Déjà je dis merci à kamerhiphop.com pour l’énorme travail qu’il abat depuis bientôt 05 ans je crois pour donner de la visibilité à la scène hip hop kamer mais également aux acteurs de ce champ de pouvoir s’exprimer sur leurs activités. Pour revenir à ta question, je dirai qu’il est assez tôt pour nous de prétendre à un quelconque bilan maintenant car il ne faut pas perdre de vu c’est un jeune festival qui se construit progressivement au fil des éditions. Par ailleurs nous nous sommes donnés 5 éditions pour asseoir véritablement les Couleurs Urbaines dans les esprits des uns et des autres. Néanmoins, je dirai qu’en 3 éditions nous nous réjouissons de ce que l’expression ‘’Cultures Urbaines’’ ait fat du chemin au Cameroun aussi bien en haut lieu que dans les quartiers. Par ailleurs nous avons aussi réussi à démontrer qu’il ya un génie créateur au sein de la jeunesse locale, c’est une évolution considérable.
L’année dernière on a connu une série d’annulation d’artistes programmés, plusieurs reports et cela a un peu assombri l’image du festival… que s’est-il passé ?
Je vous dirai tout simplement que nous avons fait ce que nous avions à faire à notre niveau pour que l’édition 2009 soit comme celle de 2008. Pour se faire nous avons tenue plusieurs réunions et séances de travail avec notre sponsor officiel aussi bien sur le contenu que sur les moyens financiers que ce dernier allait mettre sur le festival. Nous ne travaillons pas au sein de cette entreprise pour vous dire exactement ce qui s’est passé pour qu’au final la proposition de départ qui était de cinquante millions soit ramenée à quinze millions de cfa et qui plus est, n’a été disponible dans le compte bancaire de l’association Axe Jeunes à moins de 24h du lancement du festival. Huit millions six cent mille de ce budget sont allé sur la sonorisation, le groupe électrogène, le podium. Nous nous sommes engagés à payer la totalité de tous les cachets des artistes qui nous avons programmé au final qui oscillait entre cinq cent mille et cent cinquante mille, un million ont été donné comme prime aux danseurs tel que nous l’avons promis longtemps avant. On restaurait près de 200 personnes par jour pendant sept jours. A cela vous ajoutez l’hébergement, le transport, la location d’un bus, la location des chapiteaux, la communication etc.
Aussi vous comprenez très bien que nous ne pouvons plus honorer ni la programmation initiale, ni même l’organisation que nous avons voulu mettre sur pied.
Je voudrais avant de finir sur cette question faire une précision. Je suis celui qui cherche les financements pour le festival, mais je ne gère pas l’argent aux Couleurs Urbaines et vous pouvez le vérifier aussi bien auprès de l’équipe dirigeante du festival que des bénévoles. Nous avons une structuration professionnelle ou les responsabilités sont bien définit. C’est un choix délibéré que j’ai fait et je mets au défi celui qui dans ce milieu a fait autant.
On a l’impression que le festival évolue en dent de scie…
On peut le dire si on analyse la chose au premier degré. Nous sommes encore dans la phase constructive du festival et pour nous, toutes ces choses sont la bienvenue pour rappeler que rien n’est acquis dans la vie et que chaque fois il faille se battre pour exister.
Nous sommes au mois d’avril, jusqu’ici on n’entend pas parler de la 4e édition ; comment se passe les préparatifs?
Vous avez certainement raison. Mais aussi vous êtes sans ignorer que j’ai vécu une série évènements malheureux auxquels je ne me suis pas encore véritablement remis. N’oubliez pas que vous assistez le 16 janvier dernier à une réunion que j’avais convoqué et qui devait servir de lancement à l’édition 2010 des Couleurs Urbaines. Malheureusement la perte brusque de mon père le 20 janvier est venue mettre un frein à cela. Ensuite j’ai été victime d’un braquage au cours duquel j’ai perdu entre autre un laptop avec tous les donnés, ce qui signifie que je dois ressaisir tous les projets à zéro à partir des exemplaires imprimés. Sinon sachez que 2010 est une année extrêmement riche en évènements au Cameroun ‘’les cinquantenaires (indépendance et réunification) jusqu’en 2011 ; la coupe du monde qui est un évènement pour toute l’Afrique (juin – juillet) ; le Fenac (fin novembre début décembre) ; le Comice agropastoral (fin d’année), yafé, ba’doul (décembre)’’ pour ne citer que ceux-là qui sont des évènements qui vont mobiliser beaucoup d’attention mais également et les moyens logistiques, humains et financiers. En observateurs averti, nous prenons la mesure du temps pour trouver une période qui évitera au festival d’être noyé ou de passer inaperçu. Le dossier 2010 du festival est prêt depuis octobre 2009. Mais déjà en exclusivité je peux vous dire que cette année, sauf avis contraire du CNOC (comite national d’organisation des cinquantenaires), Couleurs Urbaines se tiendra en fin d’année pour des raisons sus-évoquées, mais également par la sollicitation de la personne que je suis par les instances dirigeantes de notre pays pour faire partir intégrante dans l’organisation de certain de ces évènements. Et se sera les ‘’Couleurs Urbaines des Cinquantenaires’’.
Le fait que le sponsor officiel du festival soit sponsor officiel de la coupe du monde n’est il pas un handicap ?
Forcement ! C’est un rendez vous majeur pour cette multinationale qui, à voir son déploiement compte bien capitaliser cet évènement. Pour autant nous avons toujours prôné l’indépendance de ce festival vis-à-vis des tiers et nous travaillons pour cela. Hormis la coupe du monde, la politique managériale de cette entreprise peut changer du jour au lendemain et décide de ne plus intervenir dans le champ culturel. Est-ce pour autant que les évènements soutenus pour celle-ci devront mourir ? Nous devons plutôt redéfinir le mode de financement du festival.
Quelles seront les grandes innovations de cette année?
Souffrez que je ne puisse dire grand-chose à ce sujet pour l’instant.
Parallèlement tu prépares aussi les 20 ans de la scène urbaine au Cameroun ; en quelques mots de quoi s’agit-il exactement ?
C’est pas ‘’parallèlement’’ Couleurs urbaines 2010 va célébrer cette année ‘’les 20 ans de développement de la scène artistique urbaine camerounaise’’. C’est un évènement qui me tient beaucoup à cœur et sur lequel je travaille depuis septembre 2009 pour lui trouver un contenu sérieux. Depuis le début de la décennie 2000, le hip hop camerounais est indissociable de notre paysage culturel. Aucun évènement ne se passe plus sans qu’il y’ait un art urbain dans son programme. Que de lauriers : (record de vente d’album, chansons de l’année, album de l’année, artiste de l’année, meilleur clip, meilleur groupe etc.) ; des invitations à des festivals et autres évènements à l’étranger… aujourd’hui beaucoup de jeunes dans ce domaine vivent essentiellement de leur créations et autres savoir faire (maison, femme et enfants, voiture etc.) ce qui n’était pas le cas il ya pas longtemps. Ce constat assez luisant est l’arbre qui cache la forêt, il y’a énormément à faire dans ce secteur au fort potentiel créatif riche mais encore sous-exploité au moment où on parle de culture et développement, des industries culturelles. C’est fort de ceci qu’il m’a semblé juste de dédier cette 4ème édition du festival à tous les acteurs de ce champ d’expression au Cameroun (artistes, producteur, promoteurs culturel, tourneurs, managers, réalisateurs, monteurs, labels, distributeurs, médias, sponsor …) afin qu’ensemble on puisse s’asseoir autour d’une table et faire un état de lieu à travers une analyse froide et sans complaisance du développement de cette scène et se projeter vers l’avenir. Excusez-moi mais je suis choqué de constater que 20 ans après, certaines personnes qui continuent de ramer dans le sens contraire de la professionnalisation et du sérieux.
Tu comptes éditer un livre, comment comptes tu t y prendre ?
Il faut déjà signaler que cet ouvrage de recherche comportera deux grandes parties. La première parlera de l’histoire de la scène urbaine local (les grandes dates, les précurseurs, du simple phénomène de mode à un vrai art, etc.). Et pour y arriver, nous avons prévu une série d’activités telles la mise en ligne bientôt sur les sites www.kamerhiphop.com et de www.couleursurbaines.net d’un questionnaire, un colloque, des conférences débats sur des thématiques bien précises, des ateliers de réflexions etc. La deuxième partie quant à elle portera sur l’aspect économique de ce secteur qui est créateur de richesse et d’emploi pour beaucoup de jeunes. Savez vous qu’il ya dans ce pays des rappeurs qui gagnent entre 15 et 30 millions en moins de 24 mois à travers les spectacles et les contrats de publicités ? Que d’aucun roule en voiture ou se sont construit des maisons à travers la musique ? Ce n’est pas assez mais c’est déjà ça de positif et pour nous il est question à travers cet état de chose de dire au pouvoir public et aux bailleurs de fonds que ce secteur est créateur de richesse, qu’il a besoin de leur appui pour se structurer et se développer encore d’avantage. Et enfin pour la postérité et même pour une bonne partie de la génération actuelle, nous avons le devoir de mettre à leur disposition un support didactique qui leur permettra d’enrichir leur connaissance sur le développement de notre scène urbaine. L’un des moyens pour y arriver c’est justement de commettre cet ouvrage. Il sera annexé d’un répertoire de tous les acteurs de la scène urbaine de toutes les régions du Cameroun.
20 ans c’est un bel âge ; en quelques mots quels sont les événements qui t’ont marqué durant ses 20ans ?
Il ya pas mal d’évènements heureux et malheureux qui ont jalonné ce milieu. Je parlerai entre autre des nuits du rap à african logik qui pendant un moment a été la Mecque du rap au Cameroun, ensuite les ça me dit rap au Centre Culturel français de Yaoundé avec Ak sang grave ou encore Bantou po si ou parfois nous étions obligé de rembourser certaines personnes qui ne pouvaient pas trouver la moindre place pour rester débout ; la totale des ça me dit rap le 18 décembre 2001 au cinéma le capitole. Nous partions d’une petite salle du ccf (284 places) que nous avons cette année là remplis que 2 fois, pour une salle de 1800 places qui s’était retrouvé ce soir là étroite pour contenir les milliers de jeunes qui se bousculaient à l’entrée (il y’avait 2 rangs, un qui partait du carrefour warda pour le capitole, et le second commençait au crédit agricole…) ; le concert des PBS qu’on vivait sous la pluie à african logik, le coche raté par les rappeurs en 1998 à la première édition du festival les REMY qui ont refusé de jouer alors que tous les gros sponsors de l’époque les attendaient, la compilation des REMY qui n’est pas allé à son terme etc. trop de souvenirs…
Il y’a tout de même un truc qui m’intrigue ; tu célèbres les 20 ans des cultures urbaines, un autre groupe d’artistes et promoteurs s’apprêtent à fêter les 21 ans…
Oui et ? Que voudrais tu que je te dise ? C’est une belle initiative et il serait normal que d’autres personnes ou groupe de personnes dans tous les coins du Cameroun inities des choses dans ce sens pour justement faire montre du dynamisme des acteurs de ce milieu. Nous parlons de ‘’20 ANS DE DEVELOPPEMENT DE LA SCENE URBAINE CAMEROUNAISE’’ c’est elle que nous maitrisons le mieux pour y avoir beaucoup contribué et chez nous les mots ont un sens. D’après mes investigations, il existait déjà des rappeurs, des danseurs au Cameroun bien avant 1989, du temps ou Billy show était le capitaine de ce qu’ils appelaient alors ‘’l’équipe national de Rap’’ en 1985, Sidney le précurseur du rap en France qui a séjourné au Cameroun en 1983 ou 1984 … pour dire que plusieurs célébrations peuvent être organisées autour de notre hip hop ou scène urbaine. Pour moi l’important c’est de faire de faire et surtout de bien faire. Donc il ya pas matière à polémiquer, chacun sait là où il met son curseur et ce qu’il entend fêter !
Le Cameroun comme la plus part des pays africains fête son cinquantenaire, en tant que consultant au ministère de culture, que peuvent espérer les hip hoppeurs de cette célébration qui s’annonce en grande pompe ?
je ne sais pas si c’est en grande pompe que cela se prépare, toujours est-il que personnellement je me sens honoré par cette sollicitation des hauts dirigeants de notre pays qui exprime par là leur volonté à travailler et impliquer les jeunes dans certains projets. Aussi je dirai que cet évènement le Chef de l’Etat le veut des plus populaires et que chaque camerounais surtout les jeunes puissent s’en approprier, car c’est eux qui demain auront le destin de ce pays c’est à eux que reviendra le devoir de fêter les CENTENAIRES de notre Indépendance et de notre Réunification. Je n’ai de cesse de dire que aussi bien les hip hoppeurs que les autres jeunes de la scène urbaine contribuent à leur façon eux aussi au processus de développement de notre pays, et en cela ils ne sauraient rester en marge de ces célébrations ; c’est un devoir de mémoire à l’endroit de ceux qui ont donné de leur vie pour qu’on puisse prendre en main le destin de notre pays. Lors de la cérémonie de lancement en décembre dernier déjà, j’ai programmé plus de 10 artistes ou groupes de hip hop locaux, Pit Baccardi et Bams pour la diaspora… Pour dire que c’est un grand moment de promotion et de valorisation pour notre scène urbaine qui a là l’occasion de prouver sa maturité, et son savoir faire. Pour la cérémonie de présentation officielle du logo des Cinquantenaires qui se fera devant tout le gouvernement et le corps diplomatique représenté au Cameroun ainsi que tous les médias, c’est encore les artistes de la scène urbaine qui seront à l’honneur à travers : le slam, la danse hip hop, le painting show … vous réalisez l’impact ?
Si t’as des conseils à faire passer auprès des hip hoppeurs, qu’est ce que tu leur dirais ?
Que les choses sont entrain de bouger dans le bon sens et que nous avons la chance d’avoir aujourd’hui un ministre qui est sensible à la jeunesse et pense vraiment que c’est l’avenir et qu’on doit composer avec elle. Raison pour laquelle depuis que je suis consultant au ministère de la culture au mois d’août 2008, je me bats pour que cette jeunesse là soit partie prenante de tous les grands évènements culturels organisés au pays ou en dehors. Ça été le cas pour Koppo et les jeunes du ballet national qui ont participé au centenaire de l’Unesco en 2008, une forte implication des jeunes à la 7ème édition du Fenac à Maroua en décembre de la même année, les participations entre autre de X maleya, Macase, Bibiane Sadey, Sanzy Vianny, kareyce Fotso etc. à des festivals à l’étranger en 2009, Sidney, Bantou Po si, le Ballet national … à la dernière édition de la CAN en Angola 2010 (le ballet national est composé essentiellement de jeunes qui sont aussi membres des groupes de danse hip hop pour certains). C’est le ministère de la culture qui a financé en totalité le ressent album à succès (yélélé) de X maleya. Il ya moins de 3ans cela n’était pas encore possible dans ce pays. Ceci pour dire que les uns et les autres doivent saisir au bon ce vent ce changement en se disant que demain ça pourrait peut-être leur tour du moment où ils mettent du sérieux dans leur travail. Par ailleurs il faudra que nos chers jeunes s’ouvrent assez, ils évoluent trop en vase clos. C’est à eux d’aller vers le ministère et non l’inverse.
Rien d’oublier ?
Certainement mais bon ! sinon je profite de cette tribune pour lancer un vibrant appel à tous les artistes (hip hopeurs, danseurs, slameurs, graffiteurs, designers, réalisateurs, bikers, rollers, peintres, et autres adeptes de jeu vidéo …) à se rapprocher de nous pour leur éventuelle participation à cette grande fête qui célèbrera le savoir faire et le génie créateur de notre jeunesse.
Ton mot de la fin ?
j’invite toutes les personnes de bonne volonté qui ont des choses à proposer pour enrichir le contenu de la célébration des 20 ans de développement de notre scène urbaine à nous contacter où nous envoyer leur suggestions à travers nos adresses en annexe. Couleurs Urbaines de cette année sera un festival assez particulier parce que célébrant 02 anniversaires : les Cinquantenaires et les 20 ans de développement de notre scène urbaine.
Je vous remercie
Tel. +237 77 66 24 11 / 94 17 22 13
Mail : couleursurbaines@yahoo.fr
Site : www.couleursurbaines.net