Véritable poids lourd de la scène rap camerounaise, Maahlox était l’invité surprise du concert de Niska à Douala en février dernier. Dans un long entretien, il revient sur l’évolution du rap dans son pays et sur le tsunami afro-trap qui submerge aujourd’hui le hip hop français.
Le 23 février dernier, Niska donne un concert à Douala, la capitale économique du Cameroun, devant 13 000 personnes. Au bout d’une heure, il fait monter sur scène un invité surprise, le rappeur camerounais Maahlox. C’est l’explosion. Ici, ce jeune de 25 ans aux tresses tirées en un large chignon, est une véritable fierté nationale. Dans les clubs de la ville, ses titres (Tuer pour tuer ou La bière, c’est combien ici ?) tournent en boucle.
La veille, nous l’avions interviewé avant sa rencontre avec Niska. Issu d’une fratrie de dix enfants et d’un quartier défavorisé de Yaoundé, Maahlox a traversé de nombreuses galères pour parvenir à être rappeur. Avec lucidité, il raconte les difficultés que rencontre le hip-hop camerounais et l’espoir qu’incarne cette jeunesse afrodescendante française (de Niska à MHD) qui valorise ses racines et revient faire des concerts “au pays”. Pour Maahlox, « Il est temps de se revendiquer et de s’assumer comme Africains, sans avoir peur du regard de l’autre ».
Véritable poids lourd de la scène rap camerounaise, Maahlox était l’invité surprise du concert de Niska à Douala en février dernier. Dans un long entretien, il revient sur l’évolution du rap dans son pays et sur le tsunami afro-trap qui submerge aujourd’hui le hip hop français.
Le 23 février dernier, Niska donne un concert à Douala, la capitale économique du Cameroun, devant 13 000 personnes. Au bout d’une heure, il fait monter sur scène un invité surprise, le rappeur camerounais Maahlox. C’est l’explosion. Ici, ce jeune de 25 ans aux tresses tirées en un large chignon, est une véritable fierté nationale. Dans les clubs de la ville, ses titres (Tuer pour tuer ou La bière, c’est combien ici ?) tournent en boucle.
La veille, nous l’avions interviewé avant sa rencontre avec Niska. Issu d’une fratrie de dix enfants et d’un quartier défavorisé de Yaoundé, Maahlox a traversé de nombreuses galères pour parvenir à être rappeur. Avec lucidité, il raconte les difficultés que rencontre le hip-hop camerounais et l’espoir qu’incarne cette jeunesse afrodescendante française (de Niska à MHD) qui valorise ses racines et revient faire des concerts “au pays”. Pour Maahlox, « Il est temps de se revendiquer et de s’assumer comme Africains, sans avoir peur du regard de l’autre ».
Comment vis-tu le succès des rappeurs français en Afrique ?
Maahlox – Je ne les considère pas comme des rappeurs français. Je pense qu’ils sont africains. Cela n’a pas toujours été le cas, mais aujourd’hui, la génération d’artistes qui vient au pays faire des concerts assume ses origines, dans sa musique et son approche. On le voit au niveau des sonorités et des langues utilisées. Elle essaye de partager une vision avec nous, qui sommes rappeurs du continent. Un véritable pont s’est créé, et c’est une très bonne chose.
Au Cameroun, c’est compliqué de percer lorsque l’on est rappeur ?
Bien sûr. Il n’y a pas très longtemps, au Cameroun, il n’y avait qu’un seul média, la Cameroon Radio Television (CRTV) avec une seule chaîne de télévision et une seule chaîne de radio. La CRTV ne diffusait pas de musique urbaine, c’était presque interdit. Les anciens ne la considéraient même pas comme de la musique et ça nous a fait prendre beaucoup de retard. Le hip-hop était tabou. Les rappeurs n’étaient pas vraiment vus comme des artistes. Mais avec la libération de l’audiovisuel, il y a eu de nouvelles chaînes de télévision et de radio, et la musique de rue s’est fait davantage remarquer. Aujourd’hui, les rappeurs camerounais peuvent percer un peu plus vite.
Quel a été le déclic ?
Mon but n’était pas vraiment de percer ou de faire des tournées en Europe. Mon objectif, c’était de raconter mon quotidien, nos histoires du ghetto, sans essayer de les travestir, de les maquiller ou de les contourner. J’ai essayé de faire ça aussi librement que possible et les gens ont aimé. Ma musique n’est pas relayée dans les médias mais par les gens qui l’apprécient et ça marche tout aussi bien. D’ailleurs dans la tradition même du hip-hop, depuis NWA, c’est souvent la rue qui exporte la musique.
Le manque de puissance des médias africains n’explique-t-il pas votre difficulté à exporter plus largement votre musique ?
Aujourd’hui, les médias sont des passages importants dans la musique, mais ils ne sont pas forcément obligatoires. Ils ne l’ont pas été pour moi. Quand j’ai sorti la chanson La bière, c’est combien ici ?, j’ai commencé à être sollicité en Europe, car ma musique parlait à la jeunesse africaine. Les Africains non camerounais vivent pratiquement tout ce qu’on vit au Cameroun, et ils se sont retrouvés dans mes propos. Et de manière spontanée, ça a commencé à tourner et on m’a sollicité.
Le centre du hip-hop a longtemps été les Etats-Unis mais l’Afrique semble être aujourd’hui le continent où se réinvente cette musique. Tu partages ce constat ?
Les Etats-Unis, c’est la mecque du hip-hop, personne ne peut le contester. Mais dans la manière de faire du rap, c’est vrai qu’il y a un véritable retour aux sources. Les musiques africaines, les instruments du pays, le djembé, sont rentrés dans le hip-hop. Aujourd’hui, ce n’est plus une surprise d’entendre de la musique africaine, ou un flow issu des langues africaines dans une chanson de rap.
Tu as l’impression que le rap francophone crée de nouvelles connexions avec des artistes vivant en France ?
Grâce à Internet, des véritables ponts se créent, et on arrive à partager avec des gens loin de nous. Aujourd’hui, Niska peut écouter ma musique en France, et je peux écouter la sienne, sans passer par la télévision. C’est bien plus facile. Avant, les Africains avaient du mal à se revendiquer comme Africains et à se faire entendre. Aujourd’hui, les rappeurs qui sont en Europe et aux Etats-Unis se revendiquent comme tels et ils se font entendre. Les échanges sont plus faciles.
Comptes-tu faire des featurings avec des rappeurs français ?
Oui, bien sûr. Je travaille sur des projets avec des rappeurs français pour l’album. Nous allons dévoiler des noms bientôt.
On voit avec la chanson Coller la petite qui culmine à 50 millions de vues que des tubes camerounais peuvent très bien marcher en Occident. Tu as l’impression que vous avez percé un plafond de verre ?
Coller la petite, c’était une grande première dans l’histoire de la musique urbaine au Cameroun. Nous nous étions jamais fait entendre aussi loin, surtout pour des chansons purement camerounaises dans l’approche et le texte. C’est un bel exemple à suivre et rééditer.
Tu penses que ces exemples de réussite peuvent encourager des vocations ?
Forcément. Si je suis là, c’est parce que j’ai entendu Pit Baccardi ou Ménélik rapper. On les a vus dans la rue ici, et on les a vus plus tard en Europe. Ça nous a donné envie de rapper. En tant que rappeur renommé, mon rôle aujourd’hui, c’est de montrer aux autres que c’est possible d’être rappeur, comme les grands frères me l’ont fait savoir.
Beaucoup de labels se créent en Afrique francophone. Quel regard portes-tu sur ce nouvel intérêt de l’industrie musicale ?
La musique est aussi un business. Nous ne prêchons pas dans le désert, une véritable économie s’installe. Mais il y a encore beaucoup de choses à construire au Cameroun. Par exemple, le streaming n’est pas encore compté. Il n’y a pas non plus de droits d’auteurs ici. Nous ne touchons rien quand notre musique passe à la télévision.
C’est difficile pour toi d’avoir des leviers de revenus ?
C’est difficile, mais c’est possible. Il y a quinze ans, le Nigeria, le Ghana et l’Afrique du Sud étaient dans la même situation que nous, et aujourd’hui ces pays comptent des superstars, passés par la Grande-Bretagne et les Etats-Unis. Nous, on va passer par l’Europe et les pays francophones pour réussir. C’est un avantage, car la France est le pays de la propriété intellectuelle. Avec la musique urbaine, c’est la première fois qu’il y a un pont culturel aussi fort, pouvant lier tous les jeunes de l’Afrique francophone, et leur parler au même moment. Grâce à la musique urbaine, beaucoup de choses vont changer.
De plus en plus, des rappeurs français utilisent des langues locales africaines. Comment l’expliques-tu ?
Il y a un proverbe camerounais qui dit : « Tu peux sortir un animal de la brousse, mais tu ne peux pas sortir la brousse de sa tête ». Ce n’est pas parce que quelqu’un n’a pas grandi en Afrique qu’il ne vit pas l’Afrique au quotidien. Les familles parties pour vivre en Europe n’ont jamais vraiment quitté le continent. Elles parlent le dialecte, respectent les traditions et l’inculquent à leurs enfants. Aujourd’hui, alors que l’Europe traverse des tourments identitaires, les jeunes Africains osent revendiquer leurs origines. C’est ce que je défends dans la chanson « Ça sort comme ça sort ». Il est temps de se revendiquer et de s’assumer comme on est, sans avoir peur du regard de l’autre.
Pendant longtemps, en France, les rappeurs africains n’osaient pas assumer leur africanité.
Oui, c’est normal et ça a été difficile. Mais aujourd’hui, les générations d’Africains en Europe ont eu le temps de s’adapter et de trouver leurs codes, pour oser s’assumer.
Qu’est-ce qui t’as motivé à faire du rap ?
J’ai découvert le rap en écoutant le hip-hop français : Suprême NTM, MC Solaar, IAM. Leur façon de parler de leurs frustrations m’interpellait, car je vivais les mêmes choses ici, et je ne savais pas comment les exprimer. Même si 10 000 km nous sépare, tous les enfants issus des situations défavorisées ressentent finalement la même douleur. Le rap nous ouvre la possibilité de nous exprimer et d’attirer l’attention sur nos problèmes.
Quelle est l’histoire de ta chanson Tuer pour tuer ?
Je voulais raconter les réalités du quartier. Je viens d’une fratrie de dix enfants, je vivais dans un quartier défavorisé de Yaoundé, où la majorité des parents étaient des chômeurs. Dans mon quartier, il y avait beaucoup de salles de jeux, les enfants n’allaient pas beaucoup à l’école. Seul ceux qui avaient percé dans la drogue ou le banditisme étaient des modèles. L’arrivée du hip-hop a instauré un autre moyen de réussir – il n’y avait pas beaucoup de gens qui avaient percé en faisant des études. C’est pourquoi je me suis mis à fond dans la musique. J’ai travaillé dur, car je savais qu’à travers moi, des petits frères pouvait sortir de la spirale infernale du quartier. Tuer pour tuer, c’est une chanson pour décrire les attitudes des gens quand ils sont décidés à se faire voir, à tous les prix. Généralement, quand un mec a de l’argent au Cameroun, quand il décide de faire la fête, il dit souvent « aujourd’hui c’est tuer pour tuer ». Ça veut dire je vais choper une meuf, je vais vraiment faire la fête, me saouler.
Si tu devrais adresser un message au public français, que leur conseillerais-tu pour te découvrir ?
D’écouter mes chansons, de s’abonner à ma page YouTube. À travers ma musique, le public français peut découvrir le Cameroun qui ne passe pas à la télé, qu’on ne montre pas à pas la télévision.
Qu’est-ce qui t’as donné envie de créer ta marque de vêtement (Mouf) ?
À travers des artistes comme Booba, nous avons su que c’était possible de créer notre propre marque de vêtements. L’histoire du street-wear, c’est l’histoire du hip-hop. Pour moi, quand tu atteins un certain niveau de popularité, il est tout-à-fait logique de commencer à mener d’autres combats, pas seulement axés sur la musique. Je voulais créer quelque chose pour représenter la société, au-delà de ce qui est montré dans les médias.
Propos receuillis par David Doucet
Source: mobile.lesinrocks.com